Hommage
du festival de San Sebastian à Isabelle Huppert, par Claude
Chabrol
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L’insaisissable Isabelle Huppert,
interprète sensible de plus de soixante-dix films depuis
ses seize ans en 1971, avait déjà foulé le sol de San Sebastian
l’an dernier pour présenter La vie promise d’Olivier
Dahan et Huit femmes de François Ozon. C’est donc
en terrain conquis, qu’en fin d’après-midi, elle tenait
une conférence de presse pour parler de sa vision du cinéma,
de son travail et de son film préféré, « qui est celui
qu’elle n’a pas encore fait. »
Discrète et fragile en apparence, l’interprète fidèle de
Claude Chabrol (ils ont tourné ensemble six films) a pourtant
une présence indéniable dès lors qu’elle prend la parole
et défend ses choix d’actrice, d’une voix basse et parfaitement
maîtrisée. C’est d’ailleurs de l’univers de Claude Chabrol
dont elle se sent la plus proche car « il voit comment
dire les choses et les montrer au cinéma, avec objectivité,
se rapprochant le plus possible de la réalité sans jamais
l’idéaliser. »
Tentant de définir son travail d’actrice, Isabelle Huppert
expliquait aux journalistes, que curieusement le genre
de rôles difficiles pour le spectateur ne l’était pas du
tout pour l’acteur qui s’amusait vraiment à entrer dans
la peau de ce genre de personnage. « Pour nous autres
acteurs, les choses ne se passent pas de la même façon ni
au même niveau : il y a une décharge d’adrénaline et
cela nous plaît. »
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Là où finalement réside son travail
et son moteur d’actrice, c’est bien dans le choix d’un rôle
qui lui demande de la distance par rapport à son personnage.
Or, le soir même, c’est très émue que l’actrice Isabelle
Huppert recevait des mains de Claude Chabrol le prix de
Donostia, en ce premier week-end du festival de San Sebastian.
Lors de son discours d’introduction, Chabrol précisait malicieusement
qu’Isabelle Huppert était plus qu’une actrice au cinéma
mais bien un auteur, dans sa façon de s’approprier les rôles :
« Je considère comme normal qu’on récompense Isabelle
parce que, quand nous pensons, nous autres réalisateurs,
que nous sommes là pour aider nos acteurs, avec Isabelle,
c’est complètement le contraire : c’est elle qui nous
a aidé. Finalement, elle a tissé une œuvre de tous ces films
et c’est elle, Isabelle Huppert qui les a réalisés. »
Dans son discours de remerciements et malgré l’émotion
difficilement contenue de l’actrice, on sentait pourtant
le tempérament déterminé et tenace de cette comédienne qui
n’a jamais hésité à interpréter des rôles de femmes « peu
recommandables » (comme elle le soulignait en souriant),
extrêmes, et dont elle remerciait le public d’avoir su les
comprendre toutes.
Et c’est humblement qu’elle répondit à Claude Chabrol et
au public espagnol venu nombreux l’applaudir: « Si
j’ai pu faire ces films, c’est parce que Claude Chabrol
m’a donné l’espace nécessaire pour les interpréter. »
L’interprète de La Pianiste et de La Cérémonie
conclut alors par cette confession : J’ai toujours
essayé d’être sincère, de dire la vérité. J’ai de la chance
en tant que femme et actrice. Le cinéma est l’art d’abolir
les frontières. Je dédie donc ce prix à Claude Chabrol.