Vozvraschenie
(Le Retour) de Andre Zyvagintsev
Sélection Officielle : Lion d’Or du Meilleur film
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Le récit de ce beau film russe est à la
fois simple et mystérieux. Un père prodigue retourne dans
sa famille après douze ans d’absence. Il ne donne aucune explication.
En quête d’une réconciliation avec ses deux fils adolescents,
ce personnage dur et taciturne les emmène sur une île déserte
pour une partie de pêche. Là, il essaie de faire en sorte
que ses fils deviennent de « vrais hommes ». Mais
avant leur retour, un acte brutal provoque la tragédie. Le
Retour est un film lancinant, à la musique envoûtante.
La peinture de la campagne russe évoque une grandeur désolée.
Cette étude classique des rapports père/fils frappe par son
caractère spirituel ; c’est ce qui fait son originalité.
Ivan, le fils cadet interprété par Ivan Dobrobrarov, est un
enfant sensible et intelligent. Pour lui, le père reste un
objet de soupçon. Le fils aîné Andre (Vladimir Garin) est,
lui, très impressionné. Il veut avoir confiance en cet homme
dur, mais séduisant. Au bout du compte, le père prodigue devient,
d’une façon absolument inattendue, une sorte de sauveur. Rare
et intrigant, Le Retour se veut être un film chrétien.
Or, il peut tout à fait être considéré d’une perspective psychologique :
le traumatisme et l’attirance créés par le père. L’image de
ce personnage ténébreux et encapuchonné traversant le lac
agité à la rame - tel un spectre - est remarquable. Le plus
troublant est la mission que se donne le père d’éveiller la
virilité de ses fils. Ce père, interprété par Konstantin Lavronenko,
reste toujours une présence énigmatique et insaisissable.
Les jeunes acteurs sont formidables. Toujours très naturels,
ses personnages sont montrés comme n’ayant aucune sensibilité.
Très proches mais différents, ils agissent comme de vrais
frères. D’une puissance spirituelle et psychologique rare,
Le Retour est formellement et narrativement presque
parfait. Tout simplement, ce premier long métrage de Andre
Zvyagintsev a propulsé son auteur au premier plan international.
Buongiorno, Notte
de Marco Bellochio
Mention honorable pour participation individuelle - Marco
Bellochio
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9 mai 1978 : après 55 jours de captivité,
le Premier ministre italien Aldo Moro est tué par les Brigades
Rouges. Réalisé et écrit par l’italien Marco Bellocchio, Buongiorno,
Notte raconte l’histoire de cet extraordinaire évènement.
Bien que le film ne soit pas un compte-rendu exact, c’est
un portrait commémoratif des « anni di piombo »
(années de plomb). Il a été inspiré de Il Prigioniero (Le
Prisonnier), un livre écrit par Anna Laura Braghetti,
ex-membre d’un groupe terroriste, également connue sous le
nom de « la Vivandiera ». Les événements
sont racontés par une jeune bibliothécaire terroriste nommée
Chiara (Maya Sansa). Très impliquée politiquement mais angoissée,
elle proteste contre la décision de tuer le Premier ministre
chrétien-démocrate. Bien que Chiara soit un personnage imaginaire,
et que la véritable Chiara n’ait rien fait pour empêcher le
meurtre de Moro, Bellocchio suggère les schismes au sein du
groupe. Les terroristes étaient effectivement partagés en
ce qui concernait la décision de tuer Moro. Buongiorno
Notte décrit également les circonstances historiques,
et tout à fait dramatiques, de la captivité de Moro, qui avait
été séquestré, pendant 55 jours, dans le réduit d’un appartement
à Rome. La majeure partie de l’histoire se déroule donc dans
un espace minuscule. Pourtant, Bellocchio essaie avant tout
d’explorer la psychologie du terrorisme. Tout en sondant son
subconscient marxiste, il souligne le caractère religieux
de l’idéologie terroriste. Les conversations contrôlées entre
les terroristes et Moro en sont révélatrices. Le réalisateur
peint aussi un portrait contrasté de la vie de famille banale
des terroristes et de leurs activités transgressives, particulièrement
percutant. Roberto Herlitzka est excellent dans le rôle de
Moro. Lucide et empreint de dignité, il offre une interprétation
fidèle à l’histoire réelle - les terroristes eux-mêmes avaient
été impressionnés par sa conduite. La fin, une séquence de
rêve pouvant être considéré comme une échappatoire, augmente
le ton et l’atmosphère tragiques du film. En outre, les musiques
de Pink Floyd et Schubert accentuent l’ambiance lancinante
du film. Buongiorno Notte est un film politique captivant
et tout à fait remarquable.
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