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Lost In Translation de Sofia Coppola

  Lost in translation (c) D.R.

Lost In Translation confirme le talent considérable de Sofia Coppola. A la fois joyeuse et mélancolique, c’est une comédie sentimentale atypique. Tourné à Tokyo, Lost in Translation raconte l’histoire d’un amour platonique entre Bob Harris, un acteur américain déchu interprété par Bill Murray, et Charlotte (Scarlett Johansson), une jeune diplômée mariée à un photographe en vogue, mais déjà désabusée. Bob est au Japon pour tourner une publicité pour Suntory Whiskey. Charlotte est laissée à elle-même, alors que son mari est chargé d’une séance photo pour un groupe de rock. Tous les deux logent au même hôtel, le grand Tokyo Park Hyatt. Tous les deux sont insomniaques. Ils explorent les bars et les rues de Tokyo ensemble, une amitié amoureuse se noue alors au sein de ce couple non conventionnel. Lost in Translation est tout simplement hilarant. La situation comique principale est racontée intelligemment. Avec une grande perspicacité, Coppola fait la satire de promotions quelque peu douteuses qu’on peut voir au Japon, mettant en scène des acteurs américains ennuyés et penauds. Elle se moque gentiment  de la complicité des stars pour ce curieux genre de publicité personnelle. Murray parodie parfaitement les expressions adoptées par des stars comme Harrison Ford ou Kevin Costner. Il reprend notamment ces regards particuliers, faussement intenses. Lost in Translation est une comédie qui rend compte du choc culturel, vraiment amusant. Bien que l’acteur américain se moque de l’anglais parlé des Japonais, le film n’est pas pour autant raciste. Coppola réalise également une satire des Américains. Par exemple, une starlette écervelée (Anna Farris) provoque la risée de Charlotte. Les américains se révèlent aussi glorieusement incompétents face aux appareils high-tech japonais. En effet, Coppola et ses protagonistes sont captivés par les merveilles de Tokyo, son énergie et sa modernité surréaliste. Lost in Translation arrive même à donner au karaoké, cette invention japonaise très kitsch et très populaire, un aspect séduisant. Sofia Coppola a aussi le sens des différences culturelles moins légères. A un moment parfaitement marqué, nous voyons Charlotte intriguée par un voyageur lisant un manga porno dans le métro. Comédie de moeurs inter-culturelles très contemporaine, Lost in Translation offre de plus une variation originale de l’histoire d’amour conventionnelle entre une jeune femme et un homme plus âgé. Le film frappe par son refus des clichés hollywoodiens et des mythes misogynes. Bob ne veut pas influencer Charlotte. Il ne couche pas même pas avec elle. Leur relation est fondée sur un certain équilibre. Voir autant de gens fatigués par la vie, et toujours en quête de bonheur et d’amour, est une chose peu commune pour un film américain. La qualité du jeu des interprètes est superbe. Scarlett Johansson personnifie avec intelligence la sensualité douce d’une jeunesse en quête d’identité. Mais le film repose beaucoup sur Bill Murray. Sans manières exagérées et narcissiques, il est extraordinairement amusant. Son jeu se maintient entre un investissement émotionnel et la distance ironique : Bill Muray est un pince-sans-rire ravageur. C’est incontestablement le meilleur rôle de sa carrière.


Le Cerf-Volant de Randa Chahal Sabba
Lion d’Argent Prix du Grand Jury

Le Cerf-Volant (c) D.R.

Réalisé d’une façon exquise par la libanaise, Randa Chahal Sabbag, Le Cerf-Volant se déroule à la frontière entre le Liban et l’Israël. Il raconte l’histoire d’amour entre une jeune fille libanaise, et un soldat arabe israélien montant la garde auprès de la frontière. A l’encontre de ses désirs, la belle Lamia est obligée de se marier avec un jeune homme arabe du village voisin. Amoureuse du soldat, elle se rebelle contre son sort, et retourne à son village natal, livrée à un destin incertain - une femme ayant quitté son mari est effectivement considérée comme une traînée. Manifestant sa sexualité et ses aspirations avec beaucoup de sensibilité, Sabbag a peint un beau portrait de la jeune femme arabe. De plus, à travers les autres femmes de la communauté, elle révèle la force morale et l’humour vulgaire mais vital de la femme libanaise. Les scènes où les femmes transmettent par mégaphone les nouvelles de naissances ou de noces, à celles restées de l’autre coté en Israël, sont à la fois amusantes et déchirantes. Le film est aussi doté d’une bande-son remarquable, contenant un son pop arabe saisissant. Teinté d’une tristesse et d’un érotisme délicats, Le Cerf-Volant est un film lyrique et féministe, qui raconte une histoire à la fois personnelle et politique. Une petite merveille.