Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 
Bu San (Goodbye Dragon Inn) de Tsai Ming-Liang

  Goddbye Dragon Inn (c) D.R.

Regarder ce film est une expérience à la fois douloureuse et extraordinaire. On adore et on admire ce film. D’un point de vue narratif, Bu San est un « anti-film ». Presque rien ne s’y passe. Il y a seulement deux brefs dialogues : un surréaliste, l’autre banal. De plus, Bu San va souvent à l’encontre de la spécificité même du cinéma, c’est-à-dire l’utilisation d’images mouvantes. En effet, on retrouve dans le film des images, qui restent fixes pendant de longues minutes. Faut-il pour autant accuser le réalisateur Tsai Ming-Liang de sadisme ? Cela dit, le cinéaste tawaïnais nous offre avec Bu San, une expérience cinématographique vraiment provocante et intrigante. Ironiquement, cet « anti-film » relate l’histoire d’un cinéma à Taipei, qui est sur le point de fermer définitivement ses portes. Finalement, ce film est aussi une thèse particulière sur le cinéma même. Il traite du cinéma en général. Tout au long du film, on nous montre quelques « personnages » : le public d’un film de sabre, un jeune gay japonais, un homme mûr, un vieil homme, un petit garçon, une prostituée, la gardienne handicapée et le projectionniste du cinéma. A la fin du film, nous nous rendons compte que la femme est amoureuse du projectionniste. C’est le seul fil narratif que le cinéaste nous propose. Mais la vrai « star » du film est le cadre de l’action. Laid, humide et sale, le bâtiment du cinéma est une horreur. Il est presque toujours désert.  On est bien loin du « cinéma paradiso ». Cependant, Bu San traite, d’un point de vue thématique, du besoin qu’ont les hommes du cinéma. C’est un abri pour les marginaux, les gens bizarres et perdus ; spécifiquement, c’est un lieu de rencontre pour les gays et un lieu de nostalgie pour les personnes âgées. Tsai Ming-Liang a créé un espace plus surréaliste, mélancolique et miteux que romantique. Tel un Kafka du septième art, il comprend l’ennui et la solitude. En outre, Tsai est un explorateur du langage cinématographique. Les plans sont toujours précisément composés. On peut même constater une référence à Eisenstein, quand on voit la gardienne, soudainement captivée par l’action du film sur l’écran. Ce montage des « attirances » a, pendant un bref instant, un pouvoir saisissant. Mais, le film frappe particulièrement par son aspect statique. L’image fixant des salles du cinéma à la fin du film est vraiment envoûtante. La caméra de Tsai vise apparemment la recherche de la vérité des objets et des émotions. Au bout du compte, Bu San est un supplice à recommander vivement.


Zatoichi de Takeshi Kitano
Meilleur Realisateur Takeshi Kitano

Zaïtochi  (c) D.R.

Zatoichi est un film de cinéphiles pour cinéphiles. Il a été inspiré d’une histoire de Kenji Misumi, et d’une série de films diffusée sur la télévision japonaise entre 1962 et 1989, célébrant les aventures d’un samouraï aveugle nommé Zatoichi. Ce film, réalisé par l’inimitable Takeshi Kitano, est une singulière interprétation du film d’époque. En fait, il s’agit du premier film d’époque de Kitano. Situé dans le Japon du XIXème siècle, la trame narrative est traditionnelle. Masseur et épéiste hors pair, le héros aide deux geishas orphelines à se venger du gang Ginzo, responsables du meurtre de leurs parents. Clin d’œil à Kurosawa, Zatoichi est pourtant un film tout à fait post-moderne et, au bout du compte, profondément excentrique. L’icône samouraï, interprété par Takeshi, est un homme mystérieux et moderne, aux cheveux peroxydés. La violence du film est sanglante, outrancière mais vraiment marrante. Les effets de son sont à la fois comiques et originaux. Kitano célèbre ainsi le « gender bending » : l’une des geishas est en réalité un garçon travesti, heureux de sa condition de femme. Pourtant, le point culminant du film est le « happy end » hilarant : un numéro de danse de claquettes grisant, au son des tambours japonais. Même en utilisant CGI, la séquence est une fusion folle et novatrice de sons et d’images. Se jouant habilement des conventions, mêlant de façon ironique les mythes japonais classiques et populaires aux gags occidentaux, Kitano a fait un film de sabre vivement inventif et divertissant.