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Chez les réalisateurs contemporains
Japonais, nous eûmes un peu plus à notre mettre sous la dent,
enfin pour ceux qui réfléchissent et travaillent sur le cinéma
japonais. Kore-eda, auteur de Maboroshi, After Life,
Distance et de nombreux documentaires, est certainement
celui que la critique étrangère considère comme le plus digne
héritier d'Ozu. Né en 1962, Kore-eda découvrira, comme Aoyama
(né en 1964) et Kurosawa (né en 1955) les films d'Ozu durant
ces années d'étudiant de cinéma. Il avoua avoir voulu tenter
avec Maboroshi, et d'autres tentatives de fictions qui précédèrent
ce film, un rapprochement avec Ozu. Effaré, avec le recul,
du résultat, il se promit de ne plus jamais tenter une chose
semblable. Aoyama, à son tour, affirma s'être laissé tenter
par une aventure esthétique semblable. Précisant qu'il était
né après la mort d'Ozu, qu'il avait grandi dans un Japon qui
n'était plus du tout le même, qu'Ozu etait de plus en plus
oublié par la nouvelle génération, il pouvait se risquer à
entreprendre ce qu'il espérait être la plus juste appropriation
d'Ozu. Échec à son tour. Enfin, Kurosawa, qui fut présenté
comme cinéaste d'horreur, parla de l'influence américaine
sur ses propres films, ce qui incita Aoyama à évoquer, la
seule fois du symposium, le rapport d'Ozu au cinéma américain
(bien que le nom de Lubitsch fut à peine prononcé...). Kurosawa
raconta que lors d'un tournage, en visionnant les rushes,
il se rendit compte que les séquences étaient très « Ozu ».
Brillant orateur, Kurosawa fit rire la salle en confessant
que la faute devait être attribuée à la maison japonaise traditionnelle
dans laquelle il avait tourné, citant avec humour une thèse
du livre de Hasumi. Il conseilla aux jeunes réalisateurs Japonais
souhaitant éviter de faire du Ozu de ne pas tourner dans de
telles maisons. Il n'avança pas, cependant, que lui et les
autres cinéastes de sa génération, dont Aoyama, Kitano, Hideo
Nakata, etc. substituèrent à cette maison les sinistres appartements
beiges du Japon urbain.
Enfin, à travers ce désordre, quelques actrices vinrent partager
leurs souvenirs d'Ozu. J'avais déjà eu l'occasion d'interviewer
Kyoko Kagawa et Mariko Okada. Mme Okada ne rate jamais une
occasion d’être en représentation, y compris dans les émissions
de télé shopping du matin sur les chaînes nippones. Mme Kagawa,
qui interprétait la fille cadette à la fin de Voyage a
Tokyo, la jeune institutrice, s'arrêta en détail sur ses
scènes avec Setsuko Hara, et sur la manière dont Ozu les dirigeait.
Elle ne tourna qu'une fois avec lui, étant une actrice sous
contrat chez Toho, comme Setsuko Hara d'ailleurs, elle tourna
plus souvent avec Akira Kurosawa. Mme Inoue, presque 90 ans,
parla de la période muette, ayant tourné avec le père de Mariko
Okada (séchant une larme sur scène, en murmurant qu'au cours
des deux films tournes avec Ozu, ce dernier l'appelait « ojo-san »,
« fille »). Mais le moment le plus formidable de
ce symposium, celui où le public atteignit quelque chose se
rapprochant d'Ozu fut l'intervention de Mme Awashima, une
fidèle de la grande période des années 50. Sa description
d'Ozu semblait frustrante aux oreilles de M.Hasumi, oui, un
artiste précis, qui n'hésitait pas à refaire et refaire les
prises, mais aussi un homme charmant, simple, drôle, et que
pour elle, et les acteurs et actrices de sa génération, c'etait
un honneur de pouvoir travailler avec un tel maître. Les rapports
de familiarité ne pouvaient exister dans un tel cadre. Les
comédiens, comme l'équipe technique, étaient au service du
réalisateur. Ce comportement, faut-il le dire, a complètement
disparu du cinéma japonais. On compte aujourd'hui le nombre
d'acteurs ayant une telle démarche, Koji Yakusho, Tadanobu
Asano, Susumu Terajima, Ren Osugi, Aikawa Sho, que des hommes...
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Malgré la présence émouvante
de Chikage Awashima, Ozu méritait plus. Nul doute quant au
prestige et la qualité des invités japonais et internationaux.
Mails il fut si peu question de l'œuvre dans les détails,
son esthétique, ses thèmes, la construction des récits, le
Japon représenté dans ses films, comment il est passé dans
la représentation de modestes gens dans les années 30 aux
petits patrons bourgeois qui aimaient boire et manger à Ginza
dans les derniers films. Comprendre aussi l'absence des autres
représentants de la scène cinématographique japonaise, comme
Isao Yukisada, qui eut l'occasion de tourner avec des anciennes
actrices d'Ozu, dans des feuilletons télé. Ou pourquoi une
jeune actrice aussi élégante que Takako Matsu (interprète
d'April Story de Shinji Iwai) ait pu accepter de reprendre
le rôle de Setsuko Hara dans le remake télé de Voyage a
Tokyo. Nanimo nai / de cela, rien.
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