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Early Summre (c) D.R.

Du côté des réalisateurs, tout d'abord, Hou Hsiao Hsien, Manoel de Oliveira, Pedro Costa et Abbas Kiarostami étaient tous à Tokyo pour promouvoir également la sortie d'un film. Hélas, Kiarostami souffrait d'une rage de dents, prépara quelques notes qui furent lues par M.Hasumi. Il quitta rapidement la scène en s'excusant, tandis que M.Hasumi pria pour que l'esprit d'Ozu intervienne afin que le cinéaste iranien se remette rapidement. Ce qui fut chose faite et la chaîne NHK, qui enregistrait une émission lui étant consacrée, en profita le lendemain. Kiorastami n'est pas réapparu au symposium, mais exprima dans ses notes qu'il avait découvert Ozu a Paris, en 1973. Il avait entendu parler de lui, et ne comprenant pas le japonais, ne pouvant lire les sous-titres français, il saisit la résonance, la transcendance de ces films. Admettant qu'il existe un point commun entre lui et Ozu, autour de l'amour des enfants, Kiarostami insistait sur le fait que le récit occupe une place bien plus importante chez Ozu que dans ses propres films, et que ce parallèle établi par la critique internationale doit à la matérialité du temps. Hou Hsiao Hsien découvra lui Ozu à Paris, en 1985, se réclamant depuis d'une part d'influence d'Ozu sur ses films. Il était le seul à admettre une telle chose, y compris chez les Japonais. Manoel de Oliveira, qui célébrait également son anniversaire, le 95ème, le 12 décembre, donc plus vieux qu'Ozu de cinq années seulement, parla longuement de Printemps Tardif qu'il admire. Premier film majeur d'Ozu avec l'immense Setsuko Hara, Printemps Tardif annonce un thème maintes fois repris par Ozu dans les films suivants, une fille et un père veuf, la fille hésitant à se marier, le père devant ruser et trouver une solution. Oliveira, comme je l'ai indiqué, s'est arrêté sur une thèse avancée par Kiju Yoshida dans son livre et documentaire sur Ozu. De tous les hommes Japonais présents à ce symposium, il était le seul à l'avoir connu, lorsqu'il entra chez Shochiku dans les années 50 en tant qu'assistant-réalisateur, et avant d'épouser Mariko Okada, fille du grand acteur Tokihiko Okada, qui tourna dans plusieurs films muets d'Ozu. Yoshida soulignait les motifs incestueux à la fin de Printemps Tardif, lorsque fille et père dorment dans la même chambre, ce que nous ne voyions jamais dans les autres films d'Ozu. Oliveira avait remarqué, lui aussi, dans cette chambre, ce vase blanc, à la forme féminine, vide, sans fleurs, qui attend d'être rempli; il avançait que ce thème flottait au-dessus de la séquence, mais qu'il s'agissait plutôt, selon-lui, de l’amour absolu, si présent chez Ozu, et souvent incarné par Setsuko Hara, comme dans Voyage à Tokyo et Early Summer (Eté précoce).

Hou Hsiao Hsien, qui avait cité Printemps Tardif dans Goodbye South, Goodbye, rappela le mode de vie des familles asiatiques à ces Japonais qui l'avaient peut-être oublié. A ce complexe d'Electra avancé par Yoshida, Hou parla de sa propre fille de 28 ans, comment elle en était venu a son tour à « veiller » sur sa femme et lui, citant l'exemple  de cassettes vidéo louées par sa fille, et sa femme s'inquiétant lorsqu'ils n'ont pas eu le temps de les regarder. Ou encore des occasions plus rares de voyages, ou ils dorment tous dans la même pièce. Dans Printemps Tardif, Hou ne remet pas en question l'amour de la fille pour son père, mais il insiste sur le fait qu'elle était la maîtresse de cette maison, que c'était son territoire. Plus tard, j'en discutais avec lui et des collègues Japonais ; dans ce film, le père Chishu Ryu est bien plus attiré par la meilleure amie de sa fille Noriko, Aya, avec laquelle il boit après le mariage, anticipant les visites qu'elle promet de lui faire. Et seul chez lui, à la fin, pelant une pomme, incapable de terminer, en écho à ce désarroi si noble de cette séquence à Kyoto. Pendant ce temps, Pedro Costa mettait de l'avant qu'Ozu était punk. Et Oliveira aussi.