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Se contentant parfois de reprendre
des thèmes ou des formes déjà traitées par l’art contemporain
depuis quelques années, ou faisant le choix d’innover -
au risque de laisser sceptique, les vidéastes expriment
souvent dans les œuvres exposées le souci de scruter des
formes pures. Mark Lewis, au moyen d’un très lent zoom arrière,
part d’un lac recouvert de neige (ce qui donne lieu à un
écran vierge de tout motif ou couleur), pour peu à peu découvrir
au premier plan une haie de sapins, haie qui s’avère n’être
que la partie infime de la forêt qui encercle le lac. Passant
de l’abstrait au figuratif, la caméra ré-explore les multiples
facettes du paysage. Ailleurs, Tania Mouraud filme à travers
la vitre tout embuée de sa voiture les paysages imprécis
et déserts d’une campagne enneigée. Les gouttes qui s’amoncellent
sur la vitre déforment le dehors, l’un se mêle à l’autre,
la buée et la neige ne forment plus qu’un tout indéfini
mais presque tangible. Qu’il s’agisse de filmer un lac,
un bâtiment de banlieue ou un paysage impressionniste, il
apparaît que ces vidéastes, en recourant massivement à la
caméra DV, privilégient une approche documentaire des formes
qu’ils filment, donnant ainsi à leurs œuvres une valeur
de témoignage. C’est la raison pour laquelle il nous semble
pouvoir dire, en partant de ces quelques œuvres (tout en
tenant compte des celles qui les ont précédées, au premier
rang desquelles celle retraçant les nuits de Warhol), que
la vidéo, telle qu’elle est exposée au musée, traduit bien
souvent les mêmes préoccupations qu’un cinéma qui, davantage
qu’un sujet, traite d’une forme, exprime à travers ses images
la nécessité de montrer, et confère à ces dernières un attachement
inexplicable. Mark Lewis endosse d’ailleurs cette filiation,
inscrivant sa série de films sous le signe du « post-cinéma »
(sic), manière de dire qu’en s’attachant au non-lieu et
au non-événement, il ne fait que prolonger une tendance
du cinéma qui tend à scruter le réel, plutôt qu’à le manipuler
pour mieux le mettre en scène.
Outre le fait de relayer la fascination qu’éprouve le cinéma
pour les choses, la vidéo, telle qu’elle est exposée dans
les galeries d’art contemporain, c’est-à-dire souvent sous
la forme d’installation, prolonge l’un des grands fantasmes
du spectateur qui est de ne faire plus qu’un avec l’image.
Buster Keaton s’y était déjà essayé. Le spectateur d’installation
peut désormais participer de manière interactive à ce qu’on
lui montre, selon diverses modalités - l’ombre projetée
sur l’écran (comme c’est le cas dans (Other) points of
view d’Olga Kisseleva) ou encore le son modulé en fonction
des mouvements du visiteur. Dans d’autres cas, l’image s’incurve,
laisse au spectateur la liberté d’entrer en elle, ou du
moins lui en donne l’impression (comme c’était le cas pour
l’installation de Doug Aitken, à Beaubourg au Printemps
2003).