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La déclaration de Mathieu Amalric
trouve d’autres résonances, quant à elle moins attendues,
dans le paysage du cinéma français. En se posant la question
de savoir si le vrai court-métrage - celui qui atteste d’une
véritable recherche artistique - ne se trouve pas plutôt
dans la compétition « Labo », Amalric attire l’attention
sur une autre réalité du cinéma, telle que la décrivait
récemment Vincent Dieutre à l’occasion de la sortie de Mon
voyage d’hiver. Dieutre expliquait alors que le cinéma
ne se considérait plus en soi comme un lieu d’expérimentation
mais plutôt comme un média de plus en plus standardisé,
avec ses formats et ses codes types. En vertu de ce constat,
il rendait compte du déplacement d’une certaine frange du
cinéma (dans laquelle il s’incluait) qui, faute d’être la
bienvenue dans son propre champ, avait investi un champ
connexe, celui de l’art contemporain.
Cette frange du cinéma était bel et bien présente à Clermont-Ferrand
et ce, sous deux aspects distincts. Tout d’abord, celui
du clip musical. La programmation de deux séances consacrées
à ce format fut l’occasion de reconsidérer la nature des
clips et le statut de leurs concepteurs. L’industrie musicale
elle-même a amorcé un tournant en consacrant des DVD non
plus seulement à des groupes de musique mais également à
des réalisateurs de clips (voir les DVD consacrés à Spike
Jonze, Michel Gondry et Chris Cunningham, édités par Labels).
De fait, certains clips par leur recherche formelle (le
documentaire, l’animation, la fiction se confondent allégrement),
leurs mécanismes (la mise en abîme du processus de création
par exemple) et leur beauté plastique (Out of time de
John Hardwick, Svefn-G-englar d’August Jakobsson
vus à Clermont sont de petits films épurés et touchants)
s’apparentent fort à l’art vidéo tel qu’on le trouve dans
les galeries ou les musées d’art contemporain. Il ne nous
appartient pas, en vertu de critères arbitraires, de trouver
dans le clip, l’art vidéo, et le cinéma des similitudes
afin de réduire l’un à l’autre. Force est simplement de
reconnaître que la vidéo musicale constitue aujourd’hui
au sein même de l’industrie musicale, un nouveau champ de
création et d’expérimentation dans lequel l’image conquiert
une place autrefois exclusivement dévolue à la musique.
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Le second genre dans lequel s’exprime
une recherche particulière est celui du film fait à partir
de films (ce que certains nomment le « found footage »).
Il ne s’agit pas ici de remakes à proprement parler
puisque ces films ne rejouent pas une scène ni une histoire
donnée. Bien au contraire, tantôt ils sillonnent entre les
histoires afin d’en recomposer un autre, tantôt ils décomposent
les scènes en vue de créer de nouvelles formes et de nouveaux
espaces. Le dernier court-métrage de Virgil Widrich, Fast
film, plonge précisément les visages connus du cinéma
classique américain (Ingrid Bergman, Rita Hayworth, Gary
Grant, etc.) dans un espace relevant autant de l’animation
que de la science-fiction. Monté (peux-t-on parler de réalisation ?)
par Christophe Girardet et Matthias Muller, Play
emprunte quant à lui une quantité de plans au cinéma classique
américain pour rejouer les différentes humeurs par lesquelles
passe le public d’un spectacle (attente, émerveillement,
frayeurs, applaudissements, etc.). Le (re)montage d’extraits
de mélodrames hollywoodiens n’est pas récent. Matthias Muller
s’était déjà illustré en 1990 avec Home Stories,
en s’intéressant à la figure de l’actrice dans les films
noirs hollywoodien des années 50 et 60. Ce procédé à été
consacré par Martin Arnold qui, avec Pièce touchée,
Passage à l’acte et Alone, life wastes Andy Hardy
(projeté à Clermont-Ferrand), en a exploré le mieux
les richesses à la fois plastiques et sémantiques, donnant
à cette occasion une nouvelle résonance aux thèses de Laura
Mulvey. Nicolas Provost opère dans un registre différent
tout en puisant également ses images dans les vieux films.
Avec Bataille et Papillon d’amour (tous deux
présentés en compétition), il soumet deux scènes de Rashomon
à un effet de miroir. Se rapprochant sur la forme d’artistes
tels que Les Leveque (1), il s’en éloigne sur le fond, préférant
aux films d’Hitchcock un film entièrement différent dont
il s’attache à ne révéler qu’une beauté plastique inédite.
De même que le clip musical, ce type de travaux trouve largement
son pendant dans le champ de l’art vidéo et rappelle aisément
l’œuvre d’artistes tels que Mark Lewis (exposés récemment
à la FIAC) et Douglas Gordon.