La sélection de la compétition 2004
a été de prime abord assez surprenante dans le sens où la
plupart des films ont été souvent jugés proche du déprimant.
En effet, plus de la moitié d’entre eux aboutissent à une
conclusion ouverte ne permettant pas d’envisager une possibilité
réelle de bonheur pour les personnages. Down to the bone
de Debra Granik en est l’exemple parfait : la protagoniste
est dépendante à la cocaïne, mère de deux enfants, et vit
avec son ami, lui-même drogué. Son seul espoir de s’en sortir
est incarné par son amant médecin qui se pique en cachette
et lui retire du coup toute possibilité d’échapper à sa torture.
Ce côté noir de la sélection a été contrebalancé par deux
comédies, Duane Incarnate de Hal Salwen et Eternal
Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry. La première,
relativement insipide, traitant, à travers un regard exclusivement
féminin, de l’image dégradée que l’on peut avoir de l’autre
au quotidien, a été rapidement effacée par les mimiques éternellement
exagérées de Jim Carrey dans le second Gondry. Le Français
tente de déposer définitivement ses valises au pays de Woody
Allen grâce à un film à la fois drôle et émouvant, dans le
sillage du très réussi The Truman show. On peut effectivement
comparer Eternal Sunshine of the Spotless Mind à ce
dernier pour deux raisons. La première est évidente :
on retrouve un Jim Carrey en garçon simplet. La seconde, c’est
qu’il se bat pour quelque chose de beau stimulant notre pathos
(sa liberté dans The Truman Show, l’amour dans Eternal
Sunshine of the Spotless Mind), et contre quelque chose
qui le dépasse (la télé réalité dont il est le héros sans
le vouloir dans The Truman Show, et l’effacement de
sa mémoire dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind).
Dotée notamment d’une réalisation rappelant sans cesse les
clips de Gondry, cette histoire perdue entre fantaisie et
réalité a obtenu logiquement le prix Première du film le plus
innovant.
Autre film retenant l’attention du jury (Prix du Jury) :
The WoodsmandeNicole Kassell, qui exploite brillamment le
sujet difficile de la pédophilie à travers le portrait d’un
quasi-repenti, interprété par Kevin Bacon, qui ne cesse de
se chercher et de combattre son vice. Jamais dans l’excès,
ce film nous rapproche constamment du personnage central pour
mieux nous bousculer lorsque la maladie, obsessionnelle, devient
un danger pour son entourage. On retrouve ce dénouement ouvert
sur un avenir incertain mêlant l’espoir de guérison du malade
à l’irréparable blessure des victimes. Notez que lors de la
projection, Kevin Bacon a remercié les organisateurs du festival
pour avoir choisi de mettre en compétition une œuvre aussi
peu facile d’accès.
Mais un film a fait l’unanimité à Deauville
cette année : Maria Full of Grace de Joshua Marston
a obtenu le Grand Prix du Jury, le Prix du public et le Prix
de la critique. Ce premier long-métrage, inspiré d’une histoire
vraie, retrace le parcours d’une jeune colombienne prête à
tout pour sortir de la pauvreté et qui se retrouve à faire
la « mule » pour le compte de trafiquants de cocaïne.
Le film débute sur une peinture sociale d’une petite ville
pauvre de Colombie où (sur)vit la protagoniste (jouée par
la prometteuse Catalina Sandino), et s’enfonce peu à peu dans
un cauchemar irréversible qui atteint son apogée à New York,
capitale économique des États-Unis, tout un symbole !
Deauville audacieux cette année 2004 a donc fait le choix
de récompenser avant tout deux films difficiles (Maria
Full of Grace et The Woodsman) se démarquant du
reste de la sélection par l’addition de la force de leur
sujet et d’une réalisation juste et sans excès.
Palmarès
du Festival du film américain de Deauville 2004 Prix Première : Eternal sunshine of the
spotless mind de Michel Gondry
Prix Journal du Dimanche du Public : Maria
full of grace de Joshua Marston
Prix Positif de La Critique : Maria full of
grace de Joshua Marston
Grand Prix du Court Métrage : Happy now
de Frederikke Aspöck
Prix du Scénario : The Final Cut de Omar
Naïm
Prix du Jury : The Woodsman de Nicole Kassell
Grand Prix du Jury : Maria full of grace
de Joshua Marston