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Festival de Deauville FESTIVAL DU FILM AMERICAIN
DE DEAUVILLE 2004

Compte rendu
Par Matthieu CHEREAU


Petites et grandes stars ont défilé cette année encore à Deauville. Sans doute étaient-elles plus nombreuses que de coutume, trentième anniversaire oblige. Les films aussi étaient au rendez-vous : hommages et panorama étaient au programme en plus de la compétition et des docs de l’oncle Sam. Difficile de s’y retrouver dans tout cela, de voir une cohérence aux hommages (que peuvent bien avoir à se dire Spielberg et Christine Vachon ?), ou encore aux films de la compétition. Retour sur quelques événements marquant de ce festival, pour tenter d’y voir un peu plus clair.


  Eternal sunshine
Commençons par la compétition. Entre Eternal sunshine et Duane Incarnate, Final cut et Undertow, force est de reconnaître que les films présentés étaient quelques peu hétéroclites. Certains, à l’instar de Duane incarnate ou encore Undertow, pêchent par un scénario lourd et maladroit tandis que d’autres, comme Heights et dans une moindre mesure We don’t live here anymore, souffrent d’un indéniable maniérisme. Down to the Bone se contente pour sa part de recycler sur un mode naturaliste des personnages et des situations déjà présents dans A Good Girl de Miguel Arteta et caractéristique d’un certain cinéma indépendant américain. Mean Creek - déjà présent à la Quinzaine  des Réalisateurs à Cannes en mai 2004 - séduit quant à lui par ses qualités formelles en dépit d’un propos peu original et plutôt indigent. Restent Eternal Sunshine of the Spotless Mind et Maria Full of Grace, deux films aux qualités indéniables mais néanmoins diamétralement opposés. Le premier est une fable qui déroule le fil capricieux de la mémoire et nous invite d’une manière particulièrement drôle et inventive dans la mémoire d’un couple. Il faut dire ici quelle habileté et surtout quelle indépendance d’esprit il y a à faire un film qui n’a rien à voir de prés ou de loin avec ces films qu’on nous sert à longueur de temps sur la mémoire, aux intrigues et aux problématiques formatées (Final Cut est à cet égard un bel exemple). Inventivité d’Eternal Sunshine donc, mais aussi intelligence de l’intrigue, liberté du montage (même si le film relève à certains moments du clip) et sobriété de la mise en scène. Le second film, Maria Full of Grace, n’est pas une fable mais s’encre au contraire dans une réalité économique connue : celle des rapports – à l’échelle de la Colombie – entre la population pauvre et les cartels de la drogue, et – à l’échelle internationale – entre l’Amérique du Sud et celle du Nord. Reposant tout entier sur les épaules de l’actrice principale, Catalina Sandrino Moreno, ce film décrit moins qu’il n’accuse et regarde plus qu’il ne parle. Le regard que Joshua Marston pose sur son personnage principal est empreint d’admiration : bien que les faits jouent contre elle, Maria entre dans la danse, se compromet aux yeux de la loi sans pour autant renier son intégrité physique et morale. L’absence d’effets n’est pas étrangère à l’efficacité du film, à la manière qu’il a d’appréhender sans aucun jugement une réalité donnée. Le plus beau dans l’histoire, c’est au bout du compte cette primauté de l’individu – en l’occurrence une femme – sur une situation qui la dépasse initialement mais sur laquelle in fine elle l’emporte. En récompensant ce film, le jury reconnaît le cinéma du continent américain bien plus sans doute que celui de la première puissance mondiale. Ce symbole est d’autant plus beau que le film, une fois n’est pas coutume, méritait amplement le prix.