Un film est dit de nationalité française lorsqu'il est à majorité de production française. La nationalité d'un film est donc définie par la provenance de son budget. Le cas du film Jeanne d'Arc révèle toute l'ambiguïté de la nationalité d'un film. La nationalité des acteurs, des techniciens, du lieu de tournage, de la langue utilisée ne définissent pas l'identité d'un film. Par contre l'identité d'un pays est à l'inverse défini par sa langue officielle, ses frontières, etc. Qu'est-ce qu'un film français ?

L'art et les artistes n'ont pas de frontières géographiques à proprement parler. Ce sont les entités économiques et les rapports de force entre les nations qui créent le besoin de définir pour chacun des acteurs une origine.

Cependant la concentration du secteur du cinéma redéfinit dans ce sens, avec plus d'ampleur, les différences. Aujourd'hui, les films se différencient notamment des uns des autres en fonction de leur budget. Chaque pays se différencie en fonction de la capacité financière présente dans son industrie cinématographique.

Par conséquent le rapport étroit qui existait depuis la fin du XIXème siècle entre nation et cinéma tend à disparaître. On peut rappeler certains films réalisés au temps de l'ancienne U.R.S.S. et durant la seconde Guerre Mondiale en Allemagne, où l'imbrication du politique et du cinéma produisait un cinéma national de propagande (1). La fin des conflits armés entre les grandes puissances industrielles et la mise en avant comme modèle d'une société basée sur l'économie de marché ont permis au cinéma d'acquérir une indépendance artistique vis à vis des Etats.

Cette séparation des pouvoirs (pouvoir politique et pouvoir de l'art cinématographique) est une avancée vers la démocratisation de la pratique du cinéma. Néanmoins celle-ci peut engendrer des comportements sournois de la part des Etats. Le film Top Gun de Tony Scott était une commande officieuse de l'Etat américain pour redorer l'image de son armée et encourager les jeunes américains à s'engager sous la bannière étoilée. Nous sommes en droit de nous demander combien d'autres films, de nos jours, sont en fait des commandes publiques. Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg ? Independance Day et The Patriot de Roland Emmerich ? D'autres films pourraient venir compléter cette liste de films qui ont tous pour point commun de mettre en valeur des idées patriotiques ou nationales de façon excessive. Cette constante cinématographique dans la production américaine est due en grande partie à l'influence des lobbying. Ces groupes de pression exercent une influence afin que certains thèmes soient régulièrement abordés ou que certaines valeurs soient défendues dans les films. On pense notamment au lobby des vendeurs d'armes à feu qui ont eu une influence non négligeable sur les westerns ou bien le lobby des anciens combattants.

En France, a priori, les commandes publiques semblent inexistantes ; puisque les aides de l'Etat sont gérées par des commissions composées d'artistes et de professionnels du cinéma. Il s'agit dans le cas français plutôt d'inductions (2) que de commandes publiques, qui sont suivies, en fonction du dossier présenté, par une aide financière. Ce sont des professionnels du cinéma qui décident d'aider ou de refuser une aide à d'autres professionnels.

L'évolution des moyens de communication et le développement des moyens de transport ont bouleversé la représentation de l'espace géographique. Dans certains pays, les nationalismes se sont renforcés, en Europe occidentale ces progrès ont accompagné, au contraire, une suppression des frontières et un dialogue entre les pays. L'identité d'un pays est aujourd’hui absorbée par la notion d'universalité.