Le Japon, ici et ailleurs
et les deux à la fois. Depuis le début de l'été,
l'industrie locale du cinéma voit défiler des
"pointures" telles que Jean Reno et Luc Besson (à la
télé serrant la main du maire de Tokyo) pour
annoncer le tournage de Wasabi, comédie policière
de Gérard Taxi, dont le fond de trame évoque
le splendide Yakusa de Sydney Pollack, avec Ken Takakura
et Robert Mitchum. Reno, le flic, un passé au Japon,
le retour, surprise une fille/sa fille, et des comptes à
régler...Pour le rôle de la progéniture,
on ne s'est guère posé la question d'une ressemblance
en optant pour Ryoko Hirosuye, qui fut il y a deux ans, la
star de tous les dramas télé, maintenant sur
le déclin avec l'arrivée de nouvelles stars
du lycée. Les tabloïds se complaisent à
dire combien cette baisse de popularité lui pèse...Elle
figurait d'ailleurs au sommet du box office domestique il
y a deux ans, aux côtés de Ken Takakura dans
l'accablant Popoya, énorme succès auprès
des familles et du troisième âge. Cet été,
Takakura, jadis l'un des monstres du cinéma yakuza
de Toei et des films de Teruo Ishii, récidive avec
Hotaru, pénible conte nostalgique sur un passé
de Kamikaze.
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Besson est également
fort présent en tant que producteur; les affiches de
son Kiss of the dragon, a chris Nahon film, avec Jet
li et Bridget Fonda, sont sur les murs de la ville, dans tous
les métros.
Mais tout cela reste discret en comparaison de la venue de
Michael Bay (cinéaste culte et phare des amis deTechnikart,
lorsqu'il n'y a pas d'actualités Tsui hark ou John
Woo), Jerry Bruckheimer, et un Ben Affleck tout en rondeur,
venu prêcher la reconciliation à la conférence
de presse, rappelant combien il était remarquable que
cinquante ans plus tard, ces deux pays soient devenus si proches
après de tels traumatismes...Promu et vendu comme un
Titanic, le bateau coule, une femme, deux hommes, une
chanteuse du Québec... Pearl Harbour continue
de ramer. Enfin, Ethan et Joel Cohen étaient aussi
de passage pour la sortie de O Brother, confirmant
le tournage au Japon de leur prochain film, l'adaptation du
roman de guerre de James Dickey, To the white sea,
l'histoire d'un pilote américain qui échoue
sur une des îles japonaises, recueilli par les membres
d'un petit village...
Ce rapprochement entre militaires américains et la
population locale, jadis au cœur de films de cinéastes
courageux comme Seijun Suzuki ou Shohei Imamura dans sa jeunesse,
occupa la presse en juin, lorsqu'à nouveau un soldat
des bases d'Okinawa fut accusé d'avoir violé
une jeune fille de l'île. Le Japon s'indigna des délais
de l'armée américaine à livrer le soldat
à la justice japonaise. Au même moment, alors
que les nouvelles élections se préparaient -
simple délai pour la victoire de Junichiro Koizumi,
du PLD, le parti au pouvoir depuis 50 ans, et successeur du
plus accablant premier ministre de l'histoire de ce pays,
M.Mori - la Chine et la Corée attaquaient la sortie
de nouveaux manuels scolaires de cours d'histoire dans les
lycées et collèges japonais. La Chine exigeait
que l'éditeur et les auteurs revoient cinq passages
du livre, la Corée trois. Mais l'éditeur, les
auteurs, et Koizumi lui-même firent savoir que ces critiques
relevaient de l'ingérence. La Corée, qui avait
ouvert ses portes aux imports culturels du Japon, il y a trois
ans, compte les refermer...un peu. Et malgré cette
richesse contemporaine de thèmes qui ne demandent qu'à
être explorés par les cinéastes, le cinéma
japonais, à l'image de la population, détourne
son regard. Sauf pour Masato Harada, réalisateur de
Kamikaze Taxi, Bounce Kogals,et Jubaku,
aucun cinéaste contemporain n'a osé se pencher
sur ces tares profondes.
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