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The Yakuza (c) D.R. FUIUCHI
L'attaque surprise


Tokyo, août 2001
Par Stephen SARRAZIN

Le Japon, ici et ailleurs et les deux à la fois. Depuis le début de l'été, l'industrie locale du cinéma voit défiler des "pointures" telles que Jean Reno et Luc Besson (à la télé serrant la main du maire de Tokyo) pour annoncer le tournage de Wasabi, comédie policière de Gérard Taxi, dont le fond de trame évoque le splendide Yakusa de Sydney Pollack, avec Ken Takakura et Robert Mitchum. Reno, le flic, un passé au Japon, le retour, surprise une fille/sa fille, et des comptes à régler...Pour le rôle de la progéniture, on ne s'est guère posé la question d'une ressemblance en optant pour Ryoko Hirosuye, qui fut il y a deux ans, la star de tous les dramas télé, maintenant sur le déclin avec l'arrivée de nouvelles stars du lycée. Les tabloïds se complaisent à dire combien cette baisse de popularité lui pèse...Elle figurait d'ailleurs au sommet du box office domestique il y a deux ans, aux côtés de Ken Takakura dans l'accablant Popoya, énorme succès auprès des familles et du troisième âge. Cet été, Takakura, jadis l'un des monstres du cinéma yakuza de Toei et des films de Teruo Ishii, récidive avec Hotaru, pénible conte nostalgique sur un passé de Kamikaze.



  Kiss of the dragon (c) D.R.

Besson est également fort présent en tant que producteur; les affiches de son Kiss of the dragon, a chris Nahon film, avec Jet li et Bridget Fonda, sont sur les murs de la ville, dans tous les métros.

Mais tout cela reste discret en comparaison de la venue de Michael Bay (cinéaste culte et phare des amis deTechnikart, lorsqu'il n'y a pas d'actualités Tsui hark ou John Woo), Jerry Bruckheimer, et un Ben Affleck tout en rondeur, venu prêcher la reconciliation à la conférence de presse, rappelant combien il était remarquable que cinquante ans plus tard, ces deux pays soient devenus si proches après de tels traumatismes...Promu et vendu comme un Titanic, le bateau coule, une femme, deux hommes, une chanteuse du Québec... Pearl Harbour continue de ramer. Enfin, Ethan et Joel Cohen étaient aussi de passage pour la sortie de O Brother, confirmant le tournage au Japon de leur prochain film, l'adaptation du roman de guerre de James Dickey, To the white sea, l'histoire d'un pilote américain qui échoue sur une des îles japonaises, recueilli par les membres d'un petit village...

Ce rapprochement entre militaires américains et la population locale, jadis au cœur de films de cinéastes courageux comme Seijun Suzuki ou Shohei Imamura dans sa jeunesse, occupa la presse en juin, lorsqu'à nouveau un soldat des bases d'Okinawa fut accusé d'avoir violé une jeune fille de l'île. Le Japon s'indigna des délais de l'armée américaine à livrer le soldat à la justice japonaise. Au même moment, alors que les nouvelles élections se préparaient - simple délai pour la victoire de Junichiro Koizumi, du PLD, le parti au pouvoir depuis 50 ans, et successeur du plus accablant premier ministre de l'histoire de ce pays, M.Mori - la Chine et la Corée attaquaient la sortie de nouveaux manuels scolaires de cours d'histoire dans les lycées et collèges japonais. La Chine exigeait que l'éditeur et les auteurs revoient cinq passages du livre, la Corée trois. Mais l'éditeur, les auteurs, et Koizumi lui-même firent savoir que ces critiques relevaient de l'ingérence. La Corée, qui avait ouvert ses portes aux imports culturels du Japon, il y a trois ans, compte les refermer...un peu. Et malgré cette richesse contemporaine de thèmes qui ne demandent qu'à être explorés par les cinéastes, le cinéma japonais, à l'image de la population, détourne son regard. Sauf pour Masato Harada, réalisateur de Kamikaze Taxi, Bounce Kogals,et Jubaku, aucun cinéaste contemporain n'a osé se pencher sur ces tares profondes.