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Le cinéma contemporain
au Japon préfère se pencher sur le micro-social,
à l'échelle du temps consacré à
l'écriture des scénarios, du temps de tournage,
et de ses budgets. A l'image du déconcertant Desert
Moon de Shinji Aoyama, qui avait pourtant realisé
Eureka, Shady Grove, Wild Life... Lors
de la dernière édition en juin du festival du
film français de Yokohama, Daniel Toscan Du Plantier
annonçait que dorénavant, un film japonais allait
figurer parmi la sélection; il invitait Nathalie Baye,
présidente du jury, à présenter le cinéaste.
Il y avait quelque chose d'agréablement surréaliste
à entendre Mme Baye introduire Sinji Aoyama à
un public japonais, public qui n'a guère ménagé
le cinéaste, ni le film après sa projection...Ceci
dit, Nathalie Baye en jupe Christian Lacroix toute en transparence
et en string fut ce que le festival avait de plus émouvant
à présenter; côte comique, en dépit
du Placard, imaginez plutôt Benoît Magimel
poursuivi par une horde de fans japonais, avec à leur
tête un jeune homme qui ressemble comme un frère
a un jeune Shoko Asahara (leader de AUM)...
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Ce très décevant
Desert Moon, comme le fut l'ensemble peu inspiré
et peu audacieux, forcément, de la sélection
japonaise à Cannes cette année, fut produit
par Suncent, leader à l'étranger des productions
art et essai. Mené par Takenato Sento, Suncent oscille
entre la production d'auteurs reconnus à l’étranger
- pour résumer, ceux qui sont au devant de la scène
des festivals depuis le milieu des annees 90 - et les navets
domestiques, mélange, de suspense, fantastique, ou
branché Shibuya, comme la daube de l'année Limousine
Drive, à éviter à tout prix. Heureusement,
Suncent s'est rattrapé en produisant le dernier film
de Sogo Ishii, Electric Dragon 80,000 Volts. De Sogo
Ishii, on ne connaît que Le Labyrinthe des rêves,
produit par une petite boite intéressante, Bitter's
End, également derrière le nouveau film de Makoto
Shinozaki, réalisateur du très beau Okaeri.
Hélas, cette boîte, comme tant d'autres, dont
Slow Learner, Little More,etc. produit les films de jeunes
réalisateurs qui méritent d'être présents
en festivals, mais s'investit peu dans un effort à
les promouvoir à l'étranger, seul véritable
marche pour ces œuvres... SUNCENT en revanche a largement
les moyens d'une promo redoutable outre-mer et des partenaires
de poids, qui laissent parfois les films dormir, ou ne savent
trop quoi en faire, comme le séduisant mais déroutant
Gojoe du même Sogo Ishii, toujours inédit en
France. Electric Dragon est un retour aux sources pour
Ishii, ancien punk qui inaugura au début des années
80 la veine cybertrash reprise par Shinya Tsukamoto et tant
d'autres, avant d'évoluer vers une esthétique
à la fois pastorale et inquiétante, perverse,
dont Labyrinthe des rêves fut l'aboutissant.
Dragon est un film en noir et blanc, noisy, fulgurant
avec une bande-son qui rappelle qu'Ishii avait jadis réalisé
un documentaire sur Einsturzende Neubaden. Le scénario
s'appuie sur le conte de St-Georges terrassant le dragon;
Tadanobu Asano tient le rôle du dragon, Masatoshi Nagase
celui de St-Georges. Les deux hommes furent les victimes d'accidents,
ou de traitements de choc électriques, et savent désormais
maîtriser cette énergie (très comic book
hero). Nagase, en Buddha techno, poursuit Asano guitarise
noisy collectionneur de lézards en tous genres...L'esthétique
du film regarde ainsi vers ce qui est déja le passé
: la musique noisy, des emprunts manga et tag, et des acteurs
déjà trop vus pour que le film puisse vraiment
marcher au Japon, qui musicalement et graphiquement, a la
tête bien ailleurs. Le casting demeure un des problèmes
de premier plan; en moins d'un an, Asaso et Nagase ont tourné
dans quatre films ensemble ( Hakuchi, de Makoto Tezka,
Party 7 de Katsuhito Ishii, et Gojoe & Dragon),
en plus de faire de nombreuses pubs. Malgré leur aura
alternative, leur crédibilité "punk", ils sont
trop visibles. Cependant, plus encore que Gojoe, ce
film devrait trouver un public à l'étranger,
mais Suncent précise qu'aucun distributeur ne s'est
montré preneur. Du coup, la société de
production refusait tout entretien avec Ishii pour une promo
France tant que le film n'était pas acheté...Suncent
fait comme les grands...l'entretien lors de la promo pour
la sortie plus tard. Coup de chance, le festival de Melbourne
consacrait récemment une rétrospective à
Sogo Ishii, où nous l'avons rencontré (entretien
on-line a l'automne).
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