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(c) Thibaut Degenne LE CINERURAL
La paillette et le sabot


Par Nicolas CHEMIN


Depuis sa première projection publique, en décembre 1895, le cinéma n'a évidemment eu de cesse d'évoluer. A l'invention technique s'est ajoutée la volonté d'une création artistique. Mais ce qui vraiment caractérise le cinéma plus que tout autre art, c'est sa dimension industrielle. Il n'est cependant pas rare de rencontrer, en milieu rural, un type de projection qui s'approche au plus près du cinéma des premiers temps : le rassemblement de la population autour d'une structure itinérante rudimentaire demeurant la manifestation la plus basique de cette similitude.



  (c) Thibaut Degenne

Si les deux cas offrent, sur un écart temporel de 100 ans, les stigmates d'un caractère commun, les initiatives ne prennent pas leurs sources dans le même creuset. Les films primitifs, à la fois challenge technique et attraction foraine satisfaisaient à au moins deux des trois axes cinématographiques précités. A l'opposé, l'institution qui nous intéresse possède sa généalogie en dehors de l'objet cinéma même. Le cinérural (ainsi judicieusement baptisé) de Donnemarie-Dontilly (Seine et Marne) s'exclut ontologiquement tour à tour des aspects matériel, économique et artistique du septième art, avouant par son statut qu'il n'a aucune appartenance cinématographique. Trahissant encore sa propre raison d'être qui ne s'inscrit justement pas dans son être (le cinéma) mais plutôt en amont (les pouvoirs locaux, émetteur) et en aval (le public, récepteur) : le cinéma comme média le plus à même d'entretenir un processus de satisfaction.


RUDIMENTAIRE SUR GRAND ECRAN


Depuis sa création, au sein même des institutions communales, le cinérural est géré par des bénévoles. Considéré et organisé comme une section à part entière de la structure d'animation locale, elle se plie à ses exigences et profite de ses avantages. La salle de projection (osons le terme…) est gracieusement prêtée à l'association par la municipalité qui n'obtient aucune contrepartie matérielle.

L'équipe qui gère la section est composée de lycéens séduits par le pouvoir d'attraction du cinéma, placés sous la tutelle d'un responsable rattaché en propre au joug communal par son statut de conseiller municipal. C'est ce groupe qui effectue la mise en place, ou plutôt la métamorphose de la salle des fêtes en salle de projection. Un parterre de chaises (approximativement 200 places) est installé devant un écran surélevé d'environ 2 mètres sur 4. Derrière le public, le projectionniste se hisse à la hauteur de la toile en installant son matériel sur une table. La qualité de l'image n'est en rien critiquable dans la mesure ou l'écran correspond au format utilisé. Par ailleurs, des précautions d'obscurcissement sont prises (doublage de rideaux a l'aide de draps noirs…) pour ne pas altérer le confort de vision.

Malheureusement, l'aspect rudimentaire de la structure refait surface lorsque les derniers rangs, trop proches du projectionniste, perçoivent mieux le cliquetis incessant de la bobine que la bande sonore du film : la salle ne possède pas de cabine insonorisée. Avatar du même acabit, la coupure occasionnée par le changement de bobine manuel que nécessite le matériel utilisé. Judicieusement appelée entracte, cette coupure n'est pas toujours désagréable au regard du confort limité des chaises inconfortables mises à disposition du public. Elle handicape tout de même sérieusement la vision des films : Titanic, film le plus long qu’ai projeté le cinérural, a été selon la sensibilité que vous entretenez, charcuté deux fois en 3h20 ou a bénéficié de deux entractes bienvenus.