Depuis sa première
projection publique, en décembre 1895, le cinéma
n'a évidemment eu de cesse d'évoluer. A l'invention
technique s'est ajoutée la volonté d'une création
artistique. Mais ce qui vraiment caractérise le cinéma
plus que tout autre art, c'est sa dimension industrielle.
Il n'est cependant pas rare de rencontrer, en milieu rural,
un type de projection qui s'approche au plus près du
cinéma des premiers temps : le rassemblement de la
population autour d'une structure itinérante rudimentaire
demeurant la manifestation la plus basique de cette similitude.
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Si les deux cas offrent,
sur un écart temporel de 100 ans, les stigmates d'un
caractère commun, les initiatives ne prennent pas leurs
sources dans le même creuset. Les films primitifs, à
la fois challenge technique et attraction foraine satisfaisaient
à au moins deux des trois axes cinématographiques
précités. A l'opposé, l'institution qui
nous intéresse possède sa généalogie
en dehors de l'objet cinéma même. Le cinérural
(ainsi judicieusement baptisé) de Donnemarie-Dontilly
(Seine et Marne) s'exclut ontologiquement tour à tour
des aspects matériel, économique et artistique
du septième art, avouant par son statut qu'il n'a aucune
appartenance cinématographique. Trahissant encore sa
propre raison d'être qui ne s'inscrit justement pas
dans son être (le cinéma) mais plutôt en
amont (les pouvoirs locaux, émetteur) et en aval (le
public, récepteur) : le cinéma comme média
le plus à même d'entretenir un processus de satisfaction.
RUDIMENTAIRE SUR GRAND ECRAN
Depuis sa création, au sein même des institutions
communales, le cinérural est géré par
des bénévoles. Considéré et organisé
comme une section à part entière de la structure
d'animation locale, elle se plie à ses exigences et
profite de ses avantages. La salle de projection (osons le
terme…) est gracieusement prêtée à l'association
par la municipalité qui n'obtient aucune contrepartie
matérielle.
L'équipe qui gère
la section est composée de lycéens séduits
par le pouvoir d'attraction du cinéma, placés
sous la tutelle d'un responsable rattaché en propre
au joug communal par son statut de conseiller municipal. C'est
ce groupe qui effectue la mise en place, ou plutôt la
métamorphose de la salle des fêtes en salle de
projection. Un parterre de chaises (approximativement 200
places) est installé devant un écran surélevé
d'environ 2 mètres sur 4. Derrière le public,
le projectionniste se hisse à la hauteur de la toile
en installant son matériel sur une table. La qualité
de l'image n'est en rien critiquable dans la mesure ou l'écran
correspond au format utilisé. Par ailleurs, des précautions
d'obscurcissement sont prises (doublage de rideaux a l'aide
de draps noirs…) pour ne pas altérer le confort de
vision.
Malheureusement, l'aspect rudimentaire de la structure refait
surface lorsque les derniers rangs, trop proches du projectionniste,
perçoivent mieux le cliquetis incessant de la bobine
que la bande sonore du film : la salle ne possède pas
de cabine insonorisée. Avatar du même acabit,
la coupure occasionnée par le changement de bobine
manuel que nécessite le matériel utilisé.
Judicieusement appelée entracte, cette coupure n'est
pas toujours désagréable au regard du confort
limité des chaises inconfortables mises à disposition
du public. Elle handicape tout de même sérieusement
la vision des films : Titanic, film le plus long qu’ai
projeté le cinérural, a été selon
la sensibilité que vous entretenez, charcuté
deux fois en 3h20 ou a bénéficié de deux
entractes bienvenus.
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