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Affiche de la cowparade (c) D.R    

Pourtant, si les vaches ont disparu des salles de cantine, elles ont simultanément disparu des salles de musée new-yorkaises. En effet, de nombreux artistes amateurs et professionnels ont participé durant l'été 2000, du 15 juin au Labor Day (la fête du travail, célébrée là-bas le premier lundi de septembre), à la Cow Parade de New-York. Cette manifestation bovine prend place tous les ans dans une ville différente afin d'encourager les artistes en herbe à décorer selon leur fantaisie des sculptures de vaches grandeur nature en fibre de verre : elle s'était tenue en 1998 à Zurich et en 1999 à Chicago. Afin de procéder à une sélection, les responsables new-yorkais ont invité les volontaires à postuler, lançant également quelques invitations à des artistes en vogue, parmi lesquels David : un flux de 1200 propositions s'est déversé dans leurs bureaux. Le nombre de vaches graciées s'élevait au final à 500 : heureuses élues destinées à orner les rues, les parcs, les jardins, les places et de nombreux espaces publics de la Grosse Pomme, la plupart à Manhattan.

N'eût été la participation de David, inutile de préciser que je n'aurais jamais soupçonné l'existence même de cette étrange célébration. Interrogé avant d'avoir présenté son œuvre aux organisateurs, David déclarait déjà, comme une sorte de mise en garde prémonitoire, " Je ne pense pas que ma vache aura une apparence particu-lièrement amicale "
(1). Lorsqu'ils ont passé commande, les cow paradeurs en chef devaient bien se douter que David n'allait pas coller une tendre et innocente marguerite entre les dents de sa vache ni peindre au pochoir de petits oisillons et des papillons multicolores sur son croupion, mais nul ne peut douter qu'ils aient réellement été estomaqués en découvrant sa sculpture fraîchement débarquée de Los Angeles, fruit de quatre jours de labeur qui lui ont apporté une grande satisfaction. Le responsable de la manifestation, Henry J. Stern, a alors tenu des propos que la presse s'est empressée de reproduire, comparant la vache de David aux basses œuvres du sinistrement célèbre Charles Manson (il existe certes un point de rencontre entre ce triste sire et David, mais il ne s'agit pas d'un ruminant…) (2), et conseillant gentiment à David de cesser de manger à plusieurs râteliers pour se consacrer uniquement à ce qu'il pratique le mieux, à savoir réaliser des films : " J'ignore si cet art est plutôt choc ou plutôt toc… David Lynch devrait s'en tenir à ce qu'il fait habituellement : des films. " (3).



NOTES

1 : " I don't think it will be a particularly friendly looking cow ". Dans la mesure du possible, j'essayerai toujours d'indiquer la " V.O. " des propos de David afin de préserver leur sonorité et leur rythme propres, les traductions n'étant que des interprétations personnelles où il est parfois malaisé de transposer certaines tournures - et qui, concernant David, aboutissent parfois à des propos dénués de sens dans les interviews que l'on peut lire ici et là.

2 :" Manson" est le pseudonyme qu'a choisi en toute finesse Brian Warner, le chanteur méchamment allumé du groupe Marilyn Manson, interprète de deux des chansons de la bande originale de Lost Highway, dans lequel il fait d'ailleurs une brève apparition (dans les petits films pornos tournés par Alice pour Mr. Eddy).

3 :" I don't know if it's schock art or schlock art. David Lynch should stick to his day job, making movies " : déclaration de Henry J . Stern parue dans le New York Times, comme la majorité des propos recueillis dans cet article.