En 1942, Hollywood n'a peur de rien,
ni des Nazis ni du ridicule. Les grands studios participent
à l'effort de guerre et n'hésitent pas à
faire appel à leurs plus grands héros, de Tarzan
à Batman, de Sherlock Holmes à Lassie...
Quand Charles Chaplin commence à
travailler sur le scénario du Dictateur en 1938,
il reçoit de nombreuses lettres le menaçant
de mort. Les " Artistes Associés "
essaient de le décourager, car ils pensent que le film
ne pourra jamais être exploité en Amérique
et en Angleterre. Et lorsque l'Europe entre en guerre, en
septembre 1939, Chaplin doit interrompre provisoirement le
tournage, devant la pression des " isolationnistes ".
Personne aux Etats-Unis ne veut alors entendre parler de la
guerre. L'Oncle Sam tient à rester neutre. La Commission
des Activités Anti-américaines enquête
notamment dans le milieu du cinéma pour que cesse toute
velléité antinazie. Quelques rares films comme
Les Aveux d'un espion nazi d'Anatole Litvak ou Le
Dictateur parviennent à braver la censure et à
évoquer le drame se déroulant outre-Atlantique.
Deux semaines après la sortie du film de Chaplin, le
30 octobre 1940, le président Roosevelt prononce un
discours ferme : " Je réaffirme,
et je réaffirmerai encore et toujours : nos fils
n'iront pas se battre dans des guerres à l'étranger. "
L'attaque de Pearl Harbour va bien entendu tout changer. Maintenant
que les troupes américaines sont engagées dans
le conflit, il convient de les soutenir avec force. Hollywood
entame alors une campagne de propagande (cinq cents films
sont tournés entre 1942 et 1945) et mobilise tout le
monde. Les séries les plus populaires sont réorientées
dans ce sens.
En utilisant le personnage de Charlot (dont la ressemblance
avec Hitler lui avait été faite remarquer par
Alexander Korda en 1937), Charles Chaplin fut un précurseur.
Le Dictateur fut cependant le seul bon film de cette nouvelle
tendance...
Les Super-héros contre-attaquent
Entre 1938 et 1941 apparaissent quelques
uns des plus grands héros de la bande dessinée
américaine : Superman, Batman, Captain America,
Wonder Woman... Leur succès intéresse bien
évidemment les studios qui vont faire d'une pierre
deux coups en intégrant leurs exploits dans le combat
contre l'Axe. Le premier à bénéficier
d'une adaptation à l'écran est Spy Smasher
(littéralement l'Ecraseur d'espions), héros
bondissant né début 1941 dans les pages de
Whiz Comics. La Republic coiffe l'Universal au poteau
en obtenant la première les droits et met en chantier
un serial de douze épisodes. Bien qu'écrit
avant Pearl Harbor, le scénario est très orienté
politiquement. On sollicite même l'aide du chef du
FBI, J. Edgar Hoover, pour qu'il prononce un discours au
début du film. " (...) Aujourd'hui est
un temps de crise, une époque où tous les
Américains doivent être alertés contre
les ennemis à l'intérieur de nos frontières,
comme contre les dangers venus de l'extérieur. Seule
une extrême vigilance nous permettra de sauver nos
libertés et de maintenir notre unité nationale.
Bien que le film que vous allez voir soit entièrement
fictif, son héros, Spy Smasher, symbolise le patriotisme
américain en action contre ces forces subversives
qui sont loin d'être imaginaires. "
(cité dans La suite au prochain épisode
de Jean-Pierre Jackson aux éditions Yellow Now).
Cette allocution enflammée ne sera finalement pas
incorporée au serial. Dans cette histoire mouvementée,
Spy Smasher se retrouve affublé d'un frère
jumeau, est torturé à la Kommandantur de Paris,
échappe à l'explosion d'une mine et combat
l'ignoble " The Mask ", un espion nazi.