" Maintenant,
Tarzan faire guerre ! "
A l'instar de celles du locataire de Baker
Street, les aventures du Seigneur de la jungle connaissent
une baisse de qualité en changeant de studio. Après
dix ans de bons et loyaux services à la MGM, l'athlétique
Johnny Weissmuller est " racheté "
par la RKO en 1942. Johnny Sheffield, qui jouait " Boy ",
le fils tombé du ciel, le suit mais Maureen O'Sullivan,
enceinte, doit refuser de reprendre le rôle de Jane.
La pré-production du Triomphe de Tarzan (Tarzan
Triumphs) vient à peine de commencer que le producteur
Sol Lesser est contacté par le Département
d'Etat. Tarzan est considéré comme une arme
de propagande certaine et doit montrer l'exemple. La démocratie
ne remportera la victoire que si elle continue à
se battre, même dans les coins les plus retirés.
Lesser est un grand patriote. Il accepte la suggestion de
l'administration rooseveltienne et enjoint à ses
scénaristes (Roy Chanslor et Carroll Young) d'imaginer
une histoire qui opposerait Tarzan à Hitler, ou tout
au moins à ses hommes.
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Un avion allemand s'écrase dans
la jungle. Tarzan sauve l'unique survivant, un opérateur
radio du nom de Schmidt (c'est original !). Une fois
reposé et soigné, l'homme envoie un message
à Berlin pour préparer l'invasion de la jungle
(!). En voulant rattraper Cheeta, qui vient de lui voler
son antenne, il tombe du haut d'une falaise. Quelque temps
plus tard, un détachement de Nazis débarque
dans la cité perdue de Palandria. Le colonel Von
Reichart en prend possession et réduit ses habitants
à l'état d'esclavage. La princesse Zandra
vient supplier Tarzan de leur venir en aide, mais l'homme-singe
n'a rien contre les Allemands et ne veut pas quitter son
territoire (une belle illustration de l'isolationnisme qui
paralysa longtemps l'Amérique). Mais lorsque Boy
est enlevé, il voit rouge : " Maintenant,
Tarzan faire guerre ! " S'introduisant
la nuit dans la cité occupée, il est fait
prisonnier puis s'échappe et organise une révolte.
L'ennemi teuton est bouté hors du royaume de Palandria
et Von Reichart termine dans une fosse aux lions.
On pourrait penser qu'avec un tel scénario, le film
aurait fait hurler de rire les spectateurs. En fait,
Le Triomphe de Tarzan est un énorme succès,
le plus gros, même, de la carrière de Sol Lesser.
En toute logique, celui-ci met en chantier une suite, intitulée
Le Mystère de Tarzan (Tarzan's Desert Mystery).
Pour justifier l'absence de Jane, le scénariste Edward
T. Lowe imagine qu'elle se trouve à Londres, engagée
comme infirmière dans un hôpital militaire
à soigner les blessés ! Elle écrit
d'ailleurs une lettre à Tarzan et Boy pour qu'ils
lui envoient un remède contre la fièvre tropicale,
contractée par des soldats en Birmanie... Pas une
minute étonnés par la bizarrerie de cette
demande, les Tarzan père et fils se mettent en route.
Ils s'arrêtent en chemin dans la ville de Bir-Herari
dirigée par un Sheik manipulé par Paul Hendrix,
un aventurier. Ce dernier se révèle être
un espion nazi chargé d'établir une base secrète
en plein désert. Etrange idée, en vérité...
Le Mystère de Tarzan fut la dernière
mission antinazie du héros d'Edgar Rice Burroughs,
qui préférera par la suite folâtrer
avec des Amazones, des femmes-léopard, des chasseresses
et des sirènes. La routine, quoi !
Laurel et Hardy défendent l'Amérique
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En 1943, c'est au tour de Laurel et Hardy
d'apposer leur pierre à l'édifice. Le célèbre
duo accuse alors le poids des ans et se prête bon
gré mal gré à cette bande sans prétention,
qui contraste avec le caractère intemporel de leurs
aventures précédentes. Dans Laurel et Hardy
chefs d'îlot (Air Raid Wardens), le gros imbécile
et le petit idiot veulent s'engager dans l'armée.
Refusés par tous les services, ils décident
d'apporter leur concours à la Défense Passive.
Au cours d'un exercice simulant un raid aérien, ils
doivent s'occuper d'un blessé fictif, mais se trompent
de personne et sont renvoyés. Ils découvrent
alors que le copriétaire de leur magasin de vélos
est un espion nazi, préparant la destruction d'une
usine de magnésium ! Laurel et Hardy mettront
tant bien que mal en échec le complot et seront acclamés
en héros.
La MGM engagea sur le film un officier de la Défense
civile comme conseiller technique. On raconte qu'il fit
supprimer plusieurs gags du scénario original, afin
de ne laisser planer aucun doute sur l'efficacité
de l'organisation défensive. Cela en dit long sur
le caractère propagandiste du film...
Stan Laurel et Oliver Hardy récidivent en 1944 avec
Le Grand Boum (The Big Noise), où ils protègent
l'inventeur d'une nouvelle bombe convoitée par les
Japonais. Grâce à elle, ils parviennent à
faire couler un sous-marin...
D'autres personnages (la plupart issus de la littérature)
comme le Saint, le Loup Solitaire, Charlie Chan ou le Faucon
vivent des aventures patriotiques dans des compléments
de programme. Cette vague se termine, à bout de souffle,
en 1945 avec d'ultimes tentatives comme Le Fils de Lassie
(Son of Lassie), où le gentil chien-chien tient
tête aux Allemands dans la Norvège occupée,
et Secret Agent X-9 (d'après la bande dessinée
d'Alex Raymond).
Quarante ans plus tard, Indiana
Jones remettra l'ennemi nazi au goût du jour, mais
ceci est une autre histoire...
