Tout comme les nombreux
débordements mélodramatiques de l'intrigue :
mensonges, révélations, gifles ou étreintes,
l'ensemble des éléments présents à
l'image a fonction de référent cinématographique.
Costumes, coiffures, motifs du générique… sont
autant de clins d'œil qui renvoient à tel film, telle
actrice célèbre, tout en accentuant la caractérisation
des personnages. De même, le décor fait bien
plus qu'offrir un simple cadre à l'action, il participe
à la création d'un univers visuel qui exalte
l'artifice et l'exagération. Comme le film, le décor
puise son inspiration dans la cinéphilie, tout en affirmant
sa convention théâtrale.
|
 |
|
|
Dès la première
séquence, nous découvrons un univers factice.
Le paysage enneigé (le ciel, le parc, la maisonnette)
révélé par la caméra est clairement
une toile peinte panoramique, dans un décor en studio
qui s'affirme comme tel, et qui nous situe d'emblée
dans un univers de représentation.
L'extérieur de la maison nous montre un manoir de style
anglais, souvent synonyme de mystère dans la fiction
littéraire et cinématographique : Rebecca,
Les innocents…et annonciateur d'une ambiance à
la fois cossue et désuète, typique des "whodunits"
d'Agatha Christie.
Prisonnières de cette demeure isolée, les huit
femmes vont s'y affronter jusqu'à la révélation
finale. Retenant la leçon des huis-clos chers à
Alfred Hitchcock, François Ozon se garde bien "d'aérer"
la pièce qu'il a adaptée et risquer ainsi de
rompre l'unité dramatique : nous entrons dans le décor
pour ne plus en ressortir (excepté quelques plans très
courts).
 |
|
|
|
Pour les intérieurs,
comment trouver un décor réel offrant à
la fois les dimensions et les points de vue nécessaires
à l'action, les déplacements de la caméra,
et une disponibilité de plus de trois mois? Le décor
fut entièrement construit dans un studio, où
les deux mois de tournage se déroulèrent loin
de toutes contraintes ou interférences extérieures.
L'organisation spatiale rappelle la scène d'une pièce
quelconque de boulevard : un vaste salon bourgeois où
vont se succéder les disputes et les réconciliations.
Sur ce salon donnent d'un côté l'entrée,
surélevée pour mieux dramatiser les arrivées
successives des actrices et aussi pour animer l'espace; par
ailleurs des alcôves, jeux de rideaux, portes où
se dissimulent et s'épient les personnages.
La situation est semblable (mais inversée) à
celle de Marie-Octobre, film à décor
unique de Julien Duvivier où Danielle Darrieux est
confrontée à 9 hommes dont un seul est coupable.
Mais Huit femmes pousse la théâtralité
jusqu'à bout, lors du plan final où toutes les
comédiennes se tiennent côte à côte
comme sur une scène, prêtes à saluer un
public imaginaire.
|