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Opposé à l'entrée,
trône un grand escalier, avec sa balustrade qui brille
d'un blanc éclatant et sa rampe aux courbes sinueuses
et maniérées.
Ces fameux escaliers, pivots centraux de l'espace et de l'intrigue
que tant d'héroïnes ont remonté en sanglots,
ou descendu triomphalement en robe du soir comme Isabelle
Huppert le fait ici. Pas de mélo ou de drame sans un
héritage convoité, pas de riche demeure sans
son grand escalier "néoclassique", pensez à
celui d'Ecrit sur du vent, de Géant,
ou de L'héritière…
Les autres pièces sont à peine entrevues. De
la chambre du père, on ne retient que le papier peint
à rayures verticales (motif masculin par excellence),
tandis que les chambres des filles et de la bonne sont recouvertes,
cliché oblige, d'oiseaux et de fleurs.
Les couleurs revendiquent elles aussi leur filiation avec
le technicolor hollywoodien. Pendant la préparation,
avec la chef opérateur Jeanne Lapoirie et le décorateur
Arnaud de Moléron, François Ozon a visionné
des films américains des années cinquante pour
en observer les couleurs à la fois flamboyantes et
veloutées, chaudes et contrastées.
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Nul doute qu'ils ont vu
les films de Douglas Sirk, de Vincente Minelli ou les Hitchcock
de la période Paramount, en particulier Vertigo
: la robe bleu-vert de Catherine Deneuve sur le tapis rouge
évoque la toute première apparition de Kim Novak
dans le restaurant Bernie's.
Ainsi, décors et costumes sont un véritable
festival de vert et de rouge : vert du papier peint du salon,
entrelacs rouges et verts du tapis sur lequel se battent puis
s'enlacent l'épouse et la maîtresse, tandis que
les vêtements en déclinent les nuances : rose
pour Virginie Ledoyen, violet pour Danielle Darrieux, rouge
vif et noir pour Fanny Ardant, vert "printemps" pour Ludivine
Sagnier, brun et vert olive pour Isabelle Huppert, etc.
Les accessoires participent également au jeu du cherchez
le film : le portrait est une version en couleurs des
incontournables portraits des femmes fatales de films noirs
: Laura, La femme au portrait… La clé
nous rappelle Le crime était presque parfait,
Les enchaînés; le lustre en fond de générique
nous renvoie aux premières images du Mirage de la
vie, jusqu'à la biche dans le jardin qui sort directement
du Secret magnifique.
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Peu de réalisateurs
français recherchent une maîtrise totale de l'image
du film, tout en affirmant sa théâtralité,
en revendiquant le côté décor. Cela paraît
inévitable quand il s'agit de science-fiction (La
cité des enfants perdus), de comédie musicale
ou de conte de fée (les films de Jacques Demy, Le
petit poucet). Il faut alors chercher du côté
d'Alain Resnais, qui dans ses adaptations de pièces
(Mélo, Smoking/No smoking) entièrement
tournées en studio, a lui aussi créé
un univers qui revendique à ce point sa fabrication,
sa théâtralité, tout en restant purement
cinématographique. Ces exemples sont suffisamment rares
dans le cinéma français contemporain pour être
signalés.
Le décor de Huit femmes est à l'image
du film : il donne le sentiment d'une richesse et d'une réflexion
accordée au plus petit détail, d'une recherche
où le moindre accessoire, la moindre couleur est choisie
avec soin et s'accorde avec chaque personnage, chaque costume.
Comme dans les films hollywoodiens d'avant le triomphe de
la télévision.
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