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Pour en revenir au coffret
de la première saison de Twin Peaks, avouons
qu’y avoir inclus des scènes coupées sous la
forme de bonus cachés aurait fort risqué de
provoquer des apoplexies en chaîne parmi les malheureux
incapables de faire patiner leurs DVD en gigotant leur télécommande
comme des forcenés, à la recherche de ces précieuses
pépites cinématographiques. Plus prosaïquement,
ces easter eggs sont pour la plupart constitués
de brefs commentaires de quelques-uns des réalisateurs
et des acteurs du feuilleton, et d’autres bonus du même
acabit. David a de son côté participé
à la création de ces surprises en divulguant
un… numéro de téléphone dans un easter
egg dissimulé, comme il se doit, derrière
les replis d’un rideau rouge. Aussi modeste soit cette contribution,
il est d’ailleurs étonnant que David ait accepté
d’apporter son concours à la création de ce
coffret, puisqu’il a désavoué en partie cette
édition en déclarant la boycotter du
fait de l’absence préjudiciable du pilote du feuilleton
(dont une autre compagnie possède les droits et refuse
pour l’instant de s’entendre avec les sociétés
qui détiennent ceux du reste de la série...)
Quoi qu’il en soit, ce
bonus caché était destiné à une
section de davidlynch.com
nommée Phone, qui permet aux membres du site
d’accéder à un panneau relié à
quarante-deux Booths, soit quarante-deux cabines téléphoniques
figurées par un numéro inséré
au centre d’un cercle rouge. Le site officiel de Mulholland
Drive, qui a été supervisé
par l’équipe de
davidlynch.com, permet d’ailleurs
de se faire une idée relativement précise du
design et du principe de ce petit concept, puisqu’une séquence
inspirée de Mulholland Drive y récompense
le lecteur qui aura su franchir un certain nombre d’obstacles,
fort aisés au demeurant puisque consistant simplement
en la résolution de mini puzzles menant à des
numéros à composer. La plus grande part des
cabines virtuelles de davidlynch.com
sont aujourd’hui inactives, mais hébergeront au fil
des mois de plus en plus de surprises (ce qui constitue
en fait une astuce ludique et originale pour placer sur le
site de petits films inclassables dans une autre section.)
L’easter egg du coffret Twin Peaks révèle
par conséquent à la fois quelle cabine activer
et le numéro de téléphone à composer
pour accéder au bonus. A l’instar de nombreux téléphones
qui traversent son œuvre, notamment ceux qui apparaissent
dans une séquence énigmatique et mystérieuse
de Mulholland Drive, le cadran du téléphone
de cette cabine virtuelle appartient à un modèle
ancien, à l’opposé des mobiles sans âme
qui envahissent nos rues, nos écrans de cinéma
et dont David donnait une vision cauchemardesque à
travers le personnage du Mystery Man de Lost Highway.
Un opérateur (David Lynch lui-même) nous invite
alors, après avoir obtenu la tonalité, à
former notre numéro sur ce cadran dont l’aspect évoque
l’atmosphère de Eraserhead.
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A l’issue de cette petite
série de manipulations, le spectateur accède
donc à un petit film lié à l’univers
de Twin Peaks. (Comme ce sera fréquemment le
cas dans cette rubrique, il est fortement déconseillé
de poursuivre la lecture de cet article si vous souhaitez
ménager l’effet de surprise que la découverte
d’une telle petite récompense pourrait entraîner.)
Même s’il a avoué s’être laissé
gagner par de nouvelles idées liées au monde
de Twin Peaks pendant qu’il travaillait sur ce petit
projet, le film de la Booth 9 constitue l’ultime hommage
de David à la série et au personnage qui l’ont
accompagné durant de nombreuses années. D’une
durée de 4 minutes, ce film est en fait un très
lent zoom avant sur un photogramme de la dernière séquence
de Twin Peaks : Fire, Walk With Me, Assomption
littérale de Laura Palmer. Débutant par deux
questions qui s’inscrivent sur l’écran (" What
does she see ? " puis " What
does she hear ? ", le film passe donc progressivement
d’un plan américain à un gros plan de Laura,
le seul autre élément visible du décor
étant le rideau rouge de la Red Room. Le zoom n’ira
pas plus loin, il ne pénétrera pas l’esprit
de Laura comme le souhaiterait sans doute David Lynch, illustrant
ainsi la fascination et le mystère que continue à
exercer sur lui un des personnages phares de son œuvre. " What
does she see ? ", " What does
she hear ? ", comme si ce personnage attendait
de pouvoir revivre sous la plume et la caméra de David,
comme si celui-ci se demandait également ce que deviennent
ses créatures imaginaires une fois qu’il les a libérées
sur la pellicule. Bien que fixe, l’image de Laura Palmer paraît
s’animer grâce à ce lent recadrage de la photographie,
mais également au morceau de musique qui l’accompagne,
soutenu par le son persistant et entêtant d’un vent
mystérieux qui insuffle la vie au sein de ce cadre
immobile : cette madeleine proustienne sonore
composée par Angelo Badalamenti ne peut que faire naître
une certaine nostalgie, puisqu’il s’agit du thème musical
qui concluait chaque épisode du feuilleton et venait
rythmer ce rituel hebdomadaire. La fluctuation permanente
qui agite enfin les couleurs de la photographie et semble
lui imprimer un mouvement de l’intérieur achève
de souligner la vivacité du personnage de Laura Palmer
dans l’esprit de son créateur et de ses spectateurs,
dix ans après cette déchirante Montée
aux Cieux finale. Où qu’elle soit, quoi qu’elle voie
et quoi qu’elle entende…
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