La piscine, le cirque et
enfin la patinoire d’Amiens accueillent le tournage de Carnages,
le premier long-métrage de Delphine Gleize. Issue du
terreau fertile de la Femis (promotion 1994 - section scénario),
la jeune réalisatrice est l'auteur de court-métrages
salués par les critiques et les professionnels : Sale
battars (multiprimés notamment à Clermont-Ferrand,
Angers, Brest, Les Lutins 99 et lauréat du César
2000 du meilleur court métrage), Un château
en Espagne (qui fut primé à Cannes, Pantin
et Rennes) et Les méduses. Leurs nombreux admirateurs
attendent donc Carnages avec impatience.
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Produit par Jérôme
Dopffer de Balthazar production (déjà aux côtés
de Delphine Gleize pour ses courts), le film réunit
un impressionnant casting dont le lien est la carcasse d'un
taureau mis à mort lors d'une corrida. Le parcours
des organes de la bête aura des conséquences
inattendues sur la destinée d'une dizaine de personnages
entre la France, la Belgique et l'Espagne. Chiara Mastroianni,
Angela Molina, Lio, Jacques Gamblin, Clovis Cornillac et la
chanteuse Juliette ont ainsi relevé cet ambitieux pari.
Pour l'heure, à la patinoire, l'équipe tourne
ses derniers plans en Picardie avant de prendre la direction
de Lille. L'autochtone décide donc de ne pas laisser
passer sa chance. Heureux coup du sort, le régisseur
me demande de revenir l'après-midi, m'expliquant qu'un
complément de figuration ne serait pas malvenu.
De retour à 13 heures sonnantes, un assistant m'entraîne
donc entre câbles et projecteurs jusqu'au vestiaire
où patientent les figurants. A peine le temps de bredouiller
un maladroit bonjour à la réalisatrice, "faut
pas traîner" répète l'assistant, Delphine
me répond d'un joli sourire. Trop timide (cette maladie)
je n'aurais pas d'autre opportunité de dialoguer avec
elle. Encore un truc que je regretterais toute ma vie…
Les figurants ne devant
tourner qu'en fin d'après-midi, Stéphane, responsable
du casting me permet gentiment d'observer le tournage à
ma guise.
Ambiance à la fois onirique et burlesque. Fellini n'aurait
sans doute pas renié ce plateau. La glace est recouverte
de fumigènes, le froid évitant la dispersion
de l'épais brouillard à plus de 2 mètres
du sol, on a l'impression d'observer une étrange mer
de coton.
La caméra, le combo et plusieurs projecteurs sont au
milieu, ce qui a pour effet de transformer chaque membre de
l'équipe en apparition fantomatique.
Admiratrice de Tod
Browning, Delphine Gleize souhaiterait-elle rendre hommage
à son cinéma gothique ? La gélatine bleutée
sur certains projecteurs m'a également rappelé
l'univers de Mario Bava.
Mais n'extrapolons pas, c'est bien une scène de patinage
artistique que répète la réalisatrice
avec Clovis Cornillac et une jolie blonde, en partie cachée
sous un imper noir. Une patineuse professionnelle évolue
autour d'eux pour leur montrer les figures. Ce premier plan
est court, le comédien soulève sa partenaire
du sol puis la repose délicatement, la caméra
est toute proche.
La brume a une utilité purement esthétique,
il ne s'agira pas d'une scène de rêve contrairement
à ce que l'on aurait pu supposer. Un opérateur
m'explique d'ailleurs que les volutes blancs qui envahissent
la piste n'étaient pas prévus au départ.
Il s'agit d'une expérience. Jugeant l'effet intéressant,
la réalisatrice a décidé de le conserver.
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