A la fois disponible et concentrée,
celle-ci règle la scène avec calme et précision.
Tout occupé à scruter les coulisses pour voir
arriver la partenaire féminine de Clovis, je réalise
que Delphine vient de demander le moteur. La jolie blonde
a retiré son imper c'est Chiara Mastroianni ! Honte
à moi, mais j'étais resté sur sa chevelure
d'ébène dans La lettre de Oliveira.
Tous sont admirablement à l'aise sur cette surface
glissante, dans ces brumes avec lesquelles je ne suis pas
sûr qu'ils puissent distinguer leurs jambes. Ce plateau
évoque irrésistiblement le dernier film de Jean-Philippe
Toussaint La patinoire, mais aucun incident keatonien
ne sera à déplorer aujourd'hui.
Plusieurs plans rapprochés s'enchaînent rapidement.
Les comédiens maîtrisent leur discipline à
la perfection. La patineuse professionnelle ne fera pas office
de doublure comme je l'avais imaginé de prime abord.
Arrive alors la pièce
maîtresse de la journée : une chorégraphie
de 3 minutes entre Chiara et Clovis, tournée dans la
continuité. La belle chanson d'Arno Dans mon lit,
accompagne ce ballet langoureux. Les répétitions
débutent tandis que la voix rocailleuse du rocker belge
envahit le dôme.
Les acteurs sont,
tout d'abord, couchés sur la glace (dur métier,
et dire que la canicule règne dehors) puis se lancent
dans une étrange valse, ne cessant de s'éviter
pour mieux se rejoindre au hasard des cercles qu'ils dessinent
sur la surface blanche.
Peu de répétitions sont nécessaires,
4 prises sont tournées, surtout pour relancer la machine
à fumée entre 2 "moteur". Les membres
de l'équipe, présents dans les gradins profitent
du spectacle avec un plaisir non feints. Contrairement à
certains tournages, on entend personne râler contre
"le réal qui ne sait pas ce qu'il veut". A la
fin, tout le monde applaudi.
Encore un gros plan qui,
comme les précédents, s'intercalera dans la
chorégraphie, et les acteurs regagneront les coulisses.
Derrière Chiara et Clovis qui prennent leurs marques,
plusieurs techniciens installent les rails du travelling qui
constituera le dernier plan de la journée et probablement
du film.
Mon taux d'adrénaline monte d'un cran lorsque les assistants
battent le rappel des figurants.
Tout le monde enfile rapidement écharpes et bonnets
avant de gagner les gradins où se déroule l'action.
La figuration a été recrutée surplace
depuis plusieurs semaines, parmi des comédiens professionnels
et des étudiants en théâtre. Ils ont déjà
tourné dans plusieurs scènes du film se déroulant
à la piscine ou au cirque et semblent, pour la plupart,
se connaître, formant ainsi un groupe homogène.
Nous nous installons
au hasard dans les fauteuils de plastique jaune. Puis comme
dans un interrogatoire de police, les projecteurs s'allument
et la réalisatrice harmonise l'ensemble, question de
tailles, de couleurs des vêtements Au milieu des gradins,
3 places restent vides afin d'accueillir d'autres comédiens.
Si nous ne voyons pas Delphine Gleize, elle nous voit : petite
émotion lorsqu'un assistant me demande de m'installer
au milieu du premier rang.
Au second, s'installe
un couple qui encadre une petite fille de 5 ou 6 ans. C'est
elle qui, désormais, va concentrer toute l'attention.
Le plan est constitué d'un long travelling avant sur
la fillette. Celle-ci sourit successivement à chacun
des acteurs incarnant ses parents, tandis que la foule qui
les entoure est censée contempler la chorégraphie
précédemment tournée.
Le froid gagne, alors qu'un éclairage sophistiqué
est à installer. Tout le monde est au petit soin autour
de la (très) jeune comédienne qui, très
pro, n'émettra aucune plainte. Une fois l'ensemble
organisé, on répète le mouvement. La
patineuse artistique reproduit la danse de Chiara Mastroianni.
Les regards de la trentaine de figurants sont fixés
sur sa silhouette gracieuse.
Entre les allers et venue de la caméra, Delphine Gleize
vient rassurer la petite Raphaëlle et lui donner des
indications complémentaires. La fillette s'acquitte
parfaitement de son rôle.
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