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Drapeau communiste (c) D.R. HOLLYWOOD
ET LE COMMUNISME

ou l’évolution du rapport à une idéologie dans le film hollywoodien classique
Par Thomas FROT


Le système hollywoodien est le reflet du libéralisme américain : la logique en est la rentabilité, l’efficacité, mais également la qualité. Au cours des trois décennies de l’âge d’or des studios, de 1930 à 1960, la vision du communisme dans les films américains a profondément changé. Cette évolution est liée, d’une part, aux convictions des réalisateurs, mais surtout à la situation politique : durant ces trente ans, la Seconde Guerre mondiale éclate, et l’engagement américain va modifier les futurs relations géopolitiques des décennies à venir. Si l’URSS est de 1941 à 1945 une alliée, elle va devenir l’ennemi des Etats-Unis avec les débuts de la guerre froide. Les films hollywoodiens reflètent alors les tentions internationales, mais aussi les peurs internes du pays et les dilemmes que va connaître une micro-société : l’univers de ceux qui font le cinéma.


LA RELATIVE HARMONIE ENTRE LES IDEES DE 1930 A LA FIN DE LA GUERRE

L’Amérique est tourmentée par la crise de 1929 et ses conséquences. Comme remède à leurs craintes, les Américains élisent en 1932 le démocrate Franklin Delano Roosevelt. Avec le New Deal, programme ambitieux de reconstruction économique et sociale, il redonne confiance aux Américains. On peut qualifier sa politique de gauche, car il a favorisé la redistribution des revenus et l’emploi de main d’œuvre par l’Etat.



LES FILMS DE L’ESPRIT NEW DEAL

  American Madness (c) D.R.

C’est dans ce contexte que Frank Capra réalise plusieurs films à haute contenance sociale, qui reflètent un certain état d’esprit.

Dans le film American Madness, de 1932 et donc pré-New Deal, le réalisateur avait déjà vanté les mérites de la mise en commun des biens, dans le cas du film, de l’argent. Mais American Madness montre avant tout les principes de fonctionnement du capitalisme (la banque, la notion de bénéfice) et les moyens de refaire tourner le système à ce moment malade : reprendre confiance dans le système assure sa survie.

Le personnage interprété par Gary Cooper dans Mr Deeds Goes To Town, un film de 1936, apparaît comme le contre-exemple de l’homme urbain moderne. Totalement désintéressé, il est embarrassé de la fortune qu’il reçoit. Bien que sa simplicité soit par moment émouvante, il se révèle être doué d’un bon sens inégalable. L’essence du film tient en son monologue final au tribunal : pourquoi rendre les riches plus riches, au lieu de donner de l’argent à ceux qui en ont réellement besoin ? C’est avec cette question rhétorique à la réponse évidente que Capra montre les carences du système économique. L’avocat Cedar affirme que son comportement est dangereux pour l’économie et l’Amérique ! Capra montre l’illogisme total de ce raisonnement : le " Cinderella man " ne fait que ce qui devrait être un automatisme pour tout un chacun : aider les personnes en difficulté.

Mr Deeds goes to town (c) D.R.

Si le film se fait porteur de l’une des plus grandes valeurs américaines, à savoir l’entraide, Capra développe certaines idées marxistes. Les petites gens, constituant la classe laborieuse, sont ainsi particulièrement montrées. Deeds en fait partie en un sens, même s’il ne travaille pas, il les a côtoyés toute sa vie. Il s’avère être un excellent administrateur de ses biens, comme en refusant de financer un opéra déficitaire. De ce fait, un homme du peuple apparaît capable d’avoir un rôle important à jouer en tant que dirigeant politique. Sans constituer un réquisitoire contre la propriété privée, Capra valorise le partage, à ses yeux une valeur essentielle pour le bon fonctionnement de la société. La machinerie qui se met en place autour de l’héritier est également visée : le cabinet Cedar Cedar Cedar & Buddington, malgré ses courbettes et les moyens mis en œuvre pour obtenir les " pouvoirs " financiers, n’obtiendra rien. L’autre machine infernale dénoncée est la presse, qui déploie de grands moyens pour publier des articles dénués d’intérêt.

Le réalisateur construit un monde à l’image de ses idéaux : Mandrake Falls, souvent cité en référence par le personnage principal, est ainsi l’antithèse d’un capitalisme montré comme inégalitaire et irrationnel. Sans faire l’apologie du socialisme, il critique certains effets pervers du système économique. Nous verrons par la suite qu’un tel film n’aurait même pas été envisagé 20 ans après.