Le système hollywoodien
est le reflet du libéralisme américain :
la logique en est la rentabilité, l’efficacité,
mais également la qualité. Au cours des trois
décennies de l’âge d’or des studios, de 1930
à 1960, la vision du communisme dans les films américains
a profondément changé. Cette évolution
est liée, d’une part, aux convictions des réalisateurs,
mais surtout à la situation politique : durant
ces trente ans, la Seconde Guerre mondiale éclate,
et l’engagement américain va modifier les futurs relations
géopolitiques des décennies à venir.
Si l’URSS est de 1941 à 1945 une alliée, elle
va devenir l’ennemi des Etats-Unis avec les débuts
de la guerre froide. Les films hollywoodiens reflètent
alors les tentions internationales, mais aussi les peurs internes
du pays et les dilemmes que va connaître une micro-société :
l’univers de ceux qui font le cinéma.
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LA RELATIVE HARMONIE
ENTRE LES IDEES DE 1930 A LA FIN DE LA GUERRE
L’Amérique est tourmentée
par la crise de 1929 et ses conséquences. Comme remède
à leurs craintes, les Américains élisent
en 1932 le démocrate Franklin Delano Roosevelt. Avec
le New Deal, programme ambitieux de reconstruction économique
et sociale, il redonne confiance aux Américains. On
peut qualifier sa politique de gauche, car il a favorisé
la redistribution des revenus et l’emploi de main d’œuvre
par l’Etat.
LES FILMS DE L’ESPRIT NEW DEAL
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C’est dans ce contexte
que Frank Capra réalise plusieurs films à haute
contenance sociale, qui reflètent un certain état
d’esprit.
Dans le film American Madness, de 1932 et donc pré-New
Deal, le réalisateur avait déjà vanté
les mérites de la mise en commun des biens, dans le
cas du film, de l’argent. Mais American Madness montre
avant tout les principes de fonctionnement du capitalisme
(la banque, la notion de bénéfice) et les moyens
de refaire tourner le système à ce moment malade :
reprendre confiance dans le système assure sa survie.
Le personnage interprété par Gary Cooper dans
Mr Deeds Goes To Town, un film de 1936, apparaît
comme le contre-exemple de l’homme urbain moderne. Totalement
désintéressé, il est embarrassé
de la fortune qu’il reçoit. Bien que sa simplicité
soit par moment émouvante, il se révèle
être doué d’un bon sens inégalable. L’essence
du film tient en son monologue final au tribunal : pourquoi
rendre les riches plus riches, au lieu de donner de l’argent
à ceux qui en ont réellement besoin ? C’est
avec cette question rhétorique à la réponse
évidente que Capra montre les carences du système
économique. L’avocat Cedar affirme que son comportement
est dangereux pour l’économie et l’Amérique !
Capra montre l’illogisme total de ce raisonnement : le
" Cinderella man " ne fait que
ce qui devrait être un automatisme pour tout un chacun :
aider les personnes en difficulté.
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Si le film se fait
porteur de l’une des plus grandes valeurs américaines,
à savoir l’entraide, Capra développe certaines
idées marxistes. Les petites gens, constituant la classe
laborieuse, sont ainsi particulièrement montrées.
Deeds en fait partie en un sens, même s’il ne travaille
pas, il les a côtoyés toute sa vie. Il s’avère
être un excellent administrateur de ses biens, comme
en refusant de financer un opéra déficitaire.
De ce fait, un homme du peuple apparaît capable d’avoir
un rôle important à jouer en tant que dirigeant
politique. Sans constituer un réquisitoire contre la
propriété privée, Capra valorise le partage,
à ses yeux une valeur essentielle pour le bon fonctionnement
de la société. La machinerie qui se met en place
autour de l’héritier est également visée :
le cabinet Cedar Cedar Cedar & Buddington, malgré
ses courbettes et les moyens mis en œuvre pour obtenir les
" pouvoirs " financiers, n’obtiendra rien.
L’autre machine infernale dénoncée est la presse,
qui déploie de grands moyens pour publier des articles
dénués d’intérêt.
Le réalisateur construit un monde à l’image
de ses idéaux : Mandrake Falls, souvent cité
en référence par le personnage principal, est
ainsi l’antithèse d’un capitalisme montré comme
inégalitaire et irrationnel. Sans faire l’apologie
du socialisme, il critique certains effets pervers du système
économique. Nous verrons par la suite qu’un tel film
n’aurait même pas été envisagé
20 ans après.
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