LE
VISAGE AMICAL DE L’URSS
Communiste depuis 1917, l’URSS
est à l’époque le seul exemple de l’application
des idées de Marx. Ce pays est plutôt considéré
comme un monde à part. Mais des échos des persécutions
qui y sont perpétrées parviennent en Occident,
et le socialisme reste aux antipodes du capitalisme. Les Etats-Unis
sont isolationnistes jusqu’en 1941. L’entrée en guerre
aux côtés des Alliés va transformer l’image
de l’URSS : c'est un pays ami, Américains et Soviétiques
se battent pour la même cause. Certains films vont,
de ce fait, refléter cette "entente" apparente, tout
en utilisant le filon exotique.
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C’est, par exemple,
le cas de Mission to Moscow (1943) de Michael
Curtiz, et de Song of Russia du réalisateur
Gregory Ratoff. Ces deux films véhiculent des messages
plus ou moins propagandistes à l’avantage soviétique.
Ils font toutefois figure d’exception, le communisme étant
tout de même un sujet délicat ayant donné
naissance à peu d’œuvre.
Analysé quelques années plus tard par la Commission,
ces films seront jugés "suspects" de par le caractère
ambigu du message qu’ils véhiculent. Song of Russia,
qui a été écrit par deux communistes,
Paul Jarrico et Richard Collins, a un contenu relativement
pro soviétique. Mission to Moscow a été,
quant à lui, analysé comme un des piliers de
l’anti-capitalisme par plusieurs revues américaines.
Ces deux films restent anecdotiques et relèvent davantage
de visions personnelles, se risquerait-on à dire marginales,
d’une société considérée comme
idéale. En effet, la production hollywoodienne doit
avant tout être vue par le plus grand nombre, et rester
" convenable " aux yeux du public, des
studios et du milieu politique.
NINOTCHKA, UNE COMEDIE ROMANTIQUE
SUR FOND DE SATIRE DU
CAPITALISME ET DU COMMUNISME
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C’est sur le ton de
la comédie qu’Ernst Lubitsch propose une histoire d’amour
sur un fond de dérision politique.
Ce film présente la rencontre de deux personnages et
de deux idéologies : celle de Léon (Melvyn
Douglas) et Ninotchka (Greta Garbo). Ninotchka découvre
Paris, ville qui représente tout ce qu’elle abhorre par
conviction : la légèreté, la superficialité,
le gaspillage et le pouvoir ostentatoire de l’argent. Léon
va lui apprendre à apprécier cette vie "facile"
et agréable. Elle se laissera progressivement séduire
par le personnage mais aussi par les avantages de la vie dans
un pays capitaliste. En rentrant en URSS, elle retrouve un
quotidien qui nous est montré austère :
au lieu de sa suite royale, Ninotchka regagne la chambre qu’elle
partage avec deux autres femmes, elle abandonne les tenues
parisiennes pour revêtir son uniforme du Parti. La nostalgie
est palpable, tout comme chez ses trois "camarades" qui n’attendent
qu’une chose : qu’on les envoie une nouvelle fois en
mission.
Si le personnage interprété par la divine
a succombé aux commodités et au charme de Paris,
Léon fait l’effort de lire Marx ! Empreint de
ces écrits, il incite son domestique à se révolter
contre lui. On ne peut parler de coup de foudre des personnages
pour leur opposé, mais chacun apprend au fur et à
mesure à apprécier l’autre, et ce que représente
l’autre. Mais le chemin est laborieux car Lubitsch utilise
des clichés : Ninotchka est présentée
comme une femme sévère et pince-sans-rire, à
l’image du système soviétique. Léon,
qui est frivole, intéressé (il corrompt les
envoyés soviétiques), est, de son côté,
un représentant très convenu du capitalisme.
Le film ne donne pas de leçon politique, ce n’est pas
son propos : il ne fait que grossir certaines idées
et minimiser d’autres aspects (la déportation au goulag
est, par exemple, traitée sur le ton de la plaisanterie
par les trois compères) dans le but de faire rire ou
sourire. Les deux systèmes sont caricaturés
au même titre. A travers les mots de Garbo, le réalisateur
n’a qu’un seul message : il devrait exister un pays de
cocagne où la seule doctrine politique serait l’amour.
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