Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
  Mystic River (c) D.R.

Si l'écriture est efficace, la couleur l'est tout autant. Le partage pratiquement à part égale entre le noir et une sorte de bleu gris très beau situe immédiatement le genre de Mystic River. Ce sera un film policier, c'est sûr. Autre donnée importante pour ce qui est de la couleur : le choix de noircir les silhouettes. Cette décision aurait pu être un inconvénient majeur, puisque les vedettes du film se trouvent mises d'entrée hors-jeu. Difficile alors de tabler sur l'appui photogénico-médiatique de telle ou telle star pour augmenter le nombre d'entrées. Surtout que Sean Penn ou Kevin Beacon, même s'ils ne sont pas les acteurs mâles les plus "bankables" du cinéma américain, drainent quand même avec leurs noms et surtout avec leurs visages un certain nombre de spectateurs dans les salles. Mais en renversant les canons habituels, en présentant les acteurs principaux de dos qui plus est en noir, les graphistes prennent certes un risque, mais surprennent un spectateur auquel on facilite trop souvent la tâche et qui ne demande au contraire qu'à être bousculé. Et puis, avec ces trois silhouettes anonymes, la curiosité pousse le cinéphile à deviner qui se cache derrière la première, deuxième et troisième ombre. Si l'on retourne l'affiche, si on remet les acteurs la tête en haut (oui je sais, c'est pas très facile de réaliser cette opération dans le métro ou dans la rue à part pour ceux qui savent se tenir sur les mains !), le jeu s'avère plus facile que prévu.

Par les attitudes ou les coiffures, il paraît évident que Kevin Bacon est à droite et Sean Penn à gauche. Manches relevées un au-dessus du poignet, posture de rocker avec une prise d'appui marquée sur la jambe gauche, cheveux abondants et un peu fous, le style de la silhouette de droite correspond tout à fait à l'image qu'on se fait de Sean Penn, du personnage de baroudeur, de mauvais garçon au cœur tendre qu'il a su mettre en place au fil de sa carrière. Pour l'ombre de gauche, le processus déductif est identique. Mains dans les poches, épaules solides mais relâchées, coiffure avec une légère banane, comment mieux résumer la place qu'occupe Kevin Bacon dans l'inconscient collectif, ce côté dandy violent qu'il entretient et qui en fait un acteur à part dans le champ cinématographique. Pour ce qui est de Tim Robbins, difficile de le repérer, à part par élimination. L'interprète de The Player est moins étiqueté que ses deux camarades, moins repéré ce qui est à la fois un défaut - il lui manque un rôle marquant pour imprimer définitivement la rétine -, et un gage de qualité - il est difficile de lui plaquer tellement les personnages qu'il a incarnés à l'écran sont différents. Mais globalement il est assez surprenant de voir combien certains acteurs n'ont pas besoin d'être exposé de manière réaliste, par exemple à l'aide de photographies, pour dégager leur identité propre, pour faire fonctionner leur aura.

Mystic River (c) D.R.

Les concepteurs de l'affiche auraient très bien pu se contenter de faire la part belle à ces trois acteurs. Sans que cela soit choquant tellement l'histoire repose sur ce trio. Mais Clint Eastwood a répété dans chacune de ses interviews de promotion son désir de tourner un film choral. D'où la présence en tête d'affiche, au sens propre du terme, de six noms et non trois. Laurence Fishburne, échappé de Matrix, Marcia Gay Harden et Laura Linney se voient mis au même rang que les trois personnages principaux. Certes, une hiérarchie est établie : le casting se déroule de gauche à droite, dans le sens de lecture, selon un classement qui ne doit rien au hasard puisqu'il épouse l'importance relative des rôles attribués. Mais tous les noms et prénoms sont écrits de la même manière : les prénoms en minuscules bleues et les noms en majuscules blanches. Le procédé rappelle celui adopté pour l'affiche du Mystère de la chambre jaune des frères Podalydès, en un peu plus élaboré toutefois, avec une coloration et une mise en forme plus complexes. Mais est-il nécessaire de rappeler combien cette démarche est rare ? Comme il est rare d'ailleurs que le nom du réalisateur soit écrit en si petit. La mention “ Un film de Clint Eastwood ” est inscrite dans une police et une couleur identique à celle choisie pour les prénoms des acteurs et actrices !