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Requiem for a dream (c) D.R.

On distingue à la fin des années 1990 et au début des années 2000, deux grandes catégories de kids. Les adolescents (réels ou attardés) d’Araki et Clark tout d’abord qui - bavards - se définissent par le verbe, et la manière dont ils consomment à la fois les produits et les corps. Le sexe, pour eux, est l’exutoire par excellence, le lieu où se traduit la déviance et celui qui sert de refuge. On retrouve ce genre de personnage dans le Requiem For a Dream d’Aronofsky au début des années 1990, qui traite également de la déviance sous le prisme non plus du sexe mais de la drogue et, toute comparaison gardée, dans le récent Thirteen signé par Catherine Hardwicke.

Une autre catégorie de kids voit parallèlement le jour. Sorti en 1999, American Beauty de Sam Mendes ambitionne de dresser le portrait inquiétant de la société américaine en prenant une famille type de la classe moyenne. Le jeune Ricky Fitts, le voisin des Burnham, est le seul personnage muet et réellement décalé de l’histoire. Bien qu’il semble avoir les idées un tant soit peu claires, il fait figure d’extraterrestre (ou est décrit comme tel dans un film, il est vrai, assez caricatural). Il est celui qui, par son silence, atteste d’une fêlure. Son refus de dire sert de hiatus dans l’histoire, un hiatus cousu de fils rouges dont Mendes se sert pour exprimer ce que lui-même ne comprend pas et qui échappe aux personnages du film. Se servir du silence de l’adolescent pour délivrer ce qui réellement compte dans un film, c’est exactement ce que fait Matthew Ryan Hoge dans son dernier film, The United States of Leland. Ce titre indique d’ailleurs très clairement le propos du réalisateur : parler d’un pays à travers la vie et les actes d’un jeune garçon. Le kid devient l’agent révélateur d’une réalité qu’il exprime inconsciemment. Il refuse de parler pour la simple raison qu’il est lui-même ignorant des mobiles réels de ses actes. Il n’est pas pour autant agi (les mécanismes sociologiques ne sont pas à ce point marqués), mais traduit une impuissance à dire. Faute de mots, c’est donc le corps qui parle et qui dit - par son incapacité à se mouvoir (l’underacting joue un rôle déterminant dans ce film) - à la fois la difficulté d’être et l’impossibilité de produire un sens - un « why  » comme le dit Leland. C’est ainsi que le corps de l’adolescent devient l’outil éminemment politique d’une critique (chez Mendes, Richard Kelly - avec Donnie Darko - et Hoge) ou d’une utopie (celle suggérée d’une manière touchante par Larry Clark à la fin de son dernier film). Le dernier grand prix de Deauville n’échappe pas à la règle : What alice found est la chronique naturaliste d’une jeune fille qui, en donnant son corps, ne fait qu’entériner les rapports économiques qui régissent sa société. Le corps, dans tous ces films, ne parle plus - les réalisateurs évoqués plus haut croient suffisamment en lui pour se contenter de l’observer, de le suivre patiemment (Gus Van Sant, dans Elephant n’aspire à rien d’autre qu’à accompagner les kids) non pas pour percer son secret mais pour pointer du doigt les stigmates qu’il porte et les douleurs qu’il endure.

  Elephant  (c) D.R.

Le kid – ou comme il est question dans The United States of Leland the Sick Fucking Kid (SFK est dans ce film une catégorie officieuse qu’utilisent des professeurs de prisons) est peu à peu devenu dans le cinéma indépendant américain le support d’un discours critique visant à exprimer au mieux un constat, au pire un avertissement. Il est la part obscure et dissonante d’un rêve à la dérive, le rejeton d’une société régie par le dérèglement et l’anomie. Certains auteurs prêtent à ces jeunes des mots, d’autres préfèrent filmer leur malaise (apparent ou dissimulé) sans rien dire, laissant aux seuls faits le pouvoir d’exprimer une situation qu’ils perçoivent avec d’autant plus d’inquiétude qu’ils n’en cernent ni le sens, ni même la portée.

Le teenage movie , lorsqu’il laisse parler les kids (par leurs actes, leurs corps et leurs doutes) au lieu de les faire parler, n’est plus un divertissement, c’est un augure.



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