Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
LA BANLIEUE DOUBLEE
Ou : Peut-on aimer
le cinéma américain
quand on habite la « Cité du
Patrimoine cinématographique » ?
Par Pascal MANUEL HEU


Jusqu’en 2002, j’ai habité Bois d’Arcy, petite ville des Yvelines s’enorgueillissant d’être la « Cité du Patrimoine cinématographique », comme le certifie le cachet de la poste. Les Archives Françaises du Film(1) y ont en effet élu domicile, dans une ancienne batterie, depuis une trentaine d’années. D’où vient qu’en vingt-cinq ans de présence, je n’y ai pratiquement vu aucun film(2) ? Je passe pourtant pour cinéphile. La raison en est simple : il n’y a jamais eu de salle de cinéma à Bois d’Arcy, tout juste un misérable vidéo-club. Bien, mais il y a tout de même plus de vingt cinémas dans les Yvelines, certains faisant leur possible pour ne pas nous faire trop regretter de ne pas habiter Paris. Oui, mais, logiquement serait-on tenté d’écrire, ces derniers passent des films catalogués "Art et Essai". Quid des films américains "grand public" ? Impossible de les voir, à moins de se déplacer à Paris (ce que, logiquement là encore, on aurait plutôt tendance à faire pour aller voir des spectacles plus rares) ; ou, plus exactement, il ne serait possible de les voir que si l’on acceptait les versions dites "françaises", alors qu’il ne s’agit que de versions doublées, au sens de doubler quelqu’un, le trahir, lui tirer dans le dos (le « to double-cross » des films noirs)(3).

  Men in Black (c) D.R.

À défaut de voir le film près de chez soi, il faut donc attendre la sortie en DVD, sur Canal + ou sur le câble pour le voir chez soi. Quant aux personnes qui se contentent des chaînes hertziennes, elles ne peuvent profiter des séances de rattrapage que pourraient constituer les diffusions télévisées, car, autant un film comme Men in Black a été diffusé dès que les chaînes en ont eu le droit, alors qu’un "petit film", espagnol par exemple, n’est pas du tout sûr d’être jamais montré à la télévision, autant Men in Black l’a été en première partie de soirée et, par une de ces voies de conséquence que l’on ne devrait pas se résoudre à accepter, en version doublée, alors que le "petit film" espagnol, même un Almodovar, serait presque à coup sûr diffusé en fin de soirée et en version originale (encore que même Arte, dont on se doit de continuer à chanter malgré tout les louanges, enfreint de plus en plus cette dernière règle, qui l’honore pourtant). Ce 18 mars 2003, Will Smith pouvait non seulement être vu dans MIB, sur TF1, mais également dans Wild Wild West, sur France 2. Bien entendu, serais-je tenté d’écrire si l’expression n’était ici particulièrement inadaptée, il ne pouvait être entendu nulle part. Dans un article intitulé « Le doublage en VF ou la valse à mille voix », le gratuit parisien 20 minutes a expliqué à ce propos qu’à la concurrence entre les chaînes s’ajoutait la concurrence entre doubleurs, la voix des personnages incarnés par Will Smith n’étant pas la même dans les deux films(4).