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Revenons au cinéma, c’est-à-dire à la projection
en salle, en prenant par exemple la semaine du 7 au 13 août
2002. Pariscope affiche en couverture « Back in
Black » ou « MIIB », soit Men in Black II,
pour être plus explicite (alors que le très beau « Des
hommes en noir » ferait assurément ringard). À l’intérieur,
en ouverture de la section « Cinéscope », figure
l’affiche de Mille millièmes, « fantaisie immobilière »
bien de chez nous. C’est l’affiche que doit se contenter de
reproduire L’Officiel des spectacles, la une du concurrent
de Pariscope n’arborant "Mr. Jones"
et "Mr. Smith" que la semaine suivante(5).
Quel film nouveau pouvait voir l’Yvelinois n’ayant pas la
possibilité, l’envie, le courage, ou que sais-je encore, de
se rendre spécialement à Paris ? Dix-huit cinémas étaient
ouverts en ce mois d’août dans les Yvelines. Quatre ont programmé
Mille millièmes, alors que Men in Black II
était projeté dans quinze cinémas et dix-huit salles (trois
cinémas le proposant dans deux salles), les plus grandes comme
de bien entendu. À l’échelle de la banlieue tout entière,
la disproportion est encore plus flagrante, puisque treize
cinémas programment Mille millièmes (treize salles,
dont l’une « sous réserve »), contre soixante-dix-neuf
pour Men in Black II (dans 90 salles). 82 % des salles
présentant un film nouveau projettent Men in Black II
dans les Yvelines, plus de 87 % sur l’ensemble de la banlieue
parisienne, les autres salles projetant Mille millièmes.
La prédominance du film américain étant légèrement moins grande
par chez moi, j’aurais donc tout lieu de me réjouir d’habiter
un îlot de résistance à l’"envahisseur". La situation
mérite cependant d’être considérablement nuancée. Car, si
la réclame nous avait convaincu que Men in Black II
était le film de l’année ou si nous gardions un assez bon
souvenir du précédent opus (ce qui est le cas en ce qui me
concerne), il ne nous serait pas pour autant possible de le
voir dans les Yvelines, en version originale s’entend, alors
que c’est le cas dans six salles du reste de la banlieue,
soit 6,7 % des salles projetant le film. Or, la situation
est autrement enviable à Paris même puisque, sur trente-six
salles, vingt passent le film en v.o., soit 56 %. Le contraste
est saisissant : le film passe beaucoup plus en banlieue,
mais beaucoup moins en v.o., de vastes secteurs géographiques
étant sacrifiés, en l’occurrence un département entier, assez
peuplé et (paradoxalement ?) assez huppé. Une déduction
s’impose : les banlieusards sont considérés comme des
bouseux par les distributeurs et exploitants de salles.
Notons de plus qu’au contraire de Men
in Black II, Mille millièmes séduisit pour sa part
autant, et même un peu plus, les exploitants parisiens que
ceux de banlieue. Mais surtout, le fait le plus remarquable,
que nous avons délibérément passé sous silence jusqu’à présent,
est que Men in Black II et Mille millièmes ne
sont pas les deux seuls films sortis cette semaine là en région
parisienne. Trois autres films se partageaient l’affiche,
si l’on ose dire : trois comédies, genre qui n’est pas
le plus rebutant généralement, deux en espagnol (Amour,
prozac et autres curiosités et Au bonheur des hommes
(ou l’art délicat de la fellation), avec Sergi Lopez),
le dernier en américain (Joe Gould’s Secret). Comme
le montre le tableau récapitulatif ci-après, tous trois n’ont
été programmés qu’à Paris, tous en v.o., deux ne l’étant que
dans une seule salle.
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