Objectif Cinéma : Il
me semble que tu as une position schyzophrène, tu
dis vouloir attaquer Vivendi et dans le même temps
tu accepterais d'être pris à l'intérieur
du système.
Pierre Merejkowsky : Oui,
c'est vrai sauf que moi je reste sur mes positions, je viens
si on m'appelle, le reste c'est leur problème. Je
n'attaque pas, j'essaye plutôt de proposer autre chose.
Mon combat est clair, je n'ai rien à cacher. Ce n'est
pas moi qui doit changer. Je suis prétentieux de
dire ça mais c'est aux chaînes de télé
de me suivre et non pas à moi de m'aliéner,
même pour 80000 francs. A force de faire des dossiers
pour séduire ces groupes de pouvoir, on perd peu
à peu son âme. Pour quoi ? Pour avoir
son nom sur l'écran alors que le travail fini ne
correspond plus à rien du tout. C'est dommage et
moi je m'y refuse. En même temps, il faut être
soi et être du monde, sans s'exclure. Le retranchement
ne mène à rien. Ce festival que je fais contre
Vivendi n'est pas un acte irresponsable. Les gens de Vivendi
m'ont reçu en me disant clairement que je me trompais
de cible, et ils m'ont donné la possibilité
de joindre le directeur de Planète. L'entretien s'est
bien passé, il a rigolé sur tout ce que je
disais sauf quand je lui proposais, au nom de l'association
de Films Chiants que je représente, que toute personne
qui coproduit avec une télévision ait automatiquement
une subvention CNC. Il a hurlé, me traitant de fou
et disant assumer tout ce qu'il disait pour me raccrocher
au nez. Je ne me sens pas du tout en porte-à-faux.
Objectif Cinéma :
J'ai l'impression que tu es mal
vu des cinéastes dits " expérimentaux ",
tu ne leur paraît pas assez " auteur ".
Tu fais un peu bande à part alors qu'il me semble
que la forme est aussi au cur de ton travail de vidéaste
militant. Au Salon du Livre, lors de la conférence
de Dominique Noguez sur le Cinéma Expérimental,
tu as été le seul à demander que le
social et le politique soit au cur de ce cinéma
là. Tu parlais de nécessité urgente.
Pierre Merejkowsky : Tu
as raison, cela ne les fait pas toujours rire. J'ai diffusé
des films formels que je ne renie pas, j'aime aussi ce cinéma.
Mais je déplore l'absence criante de discours ou
de position politique. Je ne dis pas que tout le monde doit
faire du cinéma militant, chacun fait ce qu'il a
envie de faire. Je regrette seulement que les gens qui font
du cinéma expérimental ne se préoccupent
pas assez du cadre dans lequel ils vivent. Je pense qu'ils
sont plus ou moins culpabilisés car leurs films passent
par la télévision, ensuite ils sont censés
se réinsérer, soit être animateurs ou
professeurs pour les meilleurs. On les oblige à faire
des choses. Quelqu'un comme Gérard Courant ou Maurice
Lehmann continuent alors qu'ils n'ont pas véritablement
de discours politique. Ils m'ont aidé avec d'autres,
ils ont passé mes films gratuitement, ils m'ont beaucoup
soutenus.
Objectif Cinéma :
Qu'est-ce qui détermine ton
choix de ne filmer qu'en vidéo ?
Pierre Merejkowsky : Je
vais être clair : je n'ai pas d'argent, ce n'est
pas un choix esthétique mais une survie. C'est ça
ou ne plus faire de films. C'est un acte de résistance.
Objectif Cinéma : Si
tu pouvais disposer d'une équipe complète
de cinéma, qu'en ferais-tu ? Tu refuserais ?
Pierre Merejkowsky : Il
faut que le plateau de cinéma rentre dans le film.
Les acteurs et les techniciens doivent accepter mes règles.
La personne prime toujours et non pas la technique. Paradoxalement,
ce pouvoir que je crois maîtriser m'échappe
parfois, car ce cadre très fort et fermé permet
aux gens de parler. J'ai un vieux rêve qui me poursuit :
le film explose, sur le tournage les gens se disputent,
partent en claquant la porte. Briser le cadre pour ne pas
s'ennuyer.
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1976 L'Affaire
Huriez
1979
Scène de ménage chez les gauchistes
1987
Igrok
1990
C.O.M.E.D.I.E.
1992
Myriam II
1993
Pool
1995
Nous voulons du chômage
1995
Le Choix du peintre
1995
De l'air, de l'air
1997
Ensemble
1996
Film
1995
C'est dimanche
1996
Le cinéaste, le village et l'utopie
1997
La Petite Guerre
1998
Les parents n'aiment pas leurs enfants
1998
Le RMI, c'est la vie avec un point d'exclamation
à la fin
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