Propos
recueillis
le 10 décembre 1998 à Paris,
P ar Matt DRAY, Julien ChASTANG et
Richard DALLA ROSA
En 1993, Rémi Lange a réalisé
un long métrage en super 8 qu'il a réussi à
distribuer en salles en janvier 1998. Parcours d'une intimité
devenue l'amitié du réel en poche, une formidable
petite aventure...
Rémi Lange :Le
super-8 amène une concision, une urgence. A l'origine
c'était un choix inconscient. Le super-8, ça
s'est fait comme ça. J'avais envie de faire un truc
qui ressemble aux films que faisaient mon père quand
j'étais petit. Mais en y réfléchissant
après, c'était finalement un choix inconscient
dans ma course contre la montre, contre le temps.
Je savais que je n'avais pas tellement de bobines, deux, trois.
Je gérais le temps du film par rapport à ce
que j'allais vivre. Il fallait qu'il y ait une image, que
l'on voit un truc, et que le son soit si possible audible,
donc j'essayais de faire le mieux pour cela. Je ne pouvais
pas filmer tout le temps à cause du super 8 qui est
un matériau coûteux.
Je voulais qu'à partir
du moment où j'appuie sur une bobine au moment de l'aveu,
plus rien ne soit contrôlé. Je ne savais pas
si j'allais parler beaucoup, je ne savais pas si j'allais
pouvoir dire ce que j'avais prévu la veille dans mon
journal écrit, je ne savais pas si ma mère allait
monopoliser le temps de parole qui lui était donné
ou si elle allait m'en laisser un petit peu. Je partais dans
l'inconnu, dans le flux de conscience le plus total.
Objectif Cinéma : Avant
tu écrivais un journal, à partir de quel âge
as-tu commencé ce journal écrit ?
Rémi Lange : Fin
92, j'ai commencé un journal écrit, que je continuais
encore au moment où j'ai fait le film. Avant j'avais
déjà fait des journaux écrits, mais par
périodes de crises. Le premier, c'était vraiment
un truc pour imiter ma sur, où j'écrivais
au jour le jour ce qui se passait ; mais il ne se passait
rien d'extraordinaire.
Objectif Cinéma : Comment
as-tu vécu ce passage , de l'écrit à
l'image et du non-dit au dit ?
Rémi Lange :A un moment donné, il y avait
mon journal écrit, mon journal sonore aussi qui était
là et à un moment donné j'ai décidé
de rajouter l'image et les trois journaux se sont entremêlés,
tout en suivant leur voie parallèle. Cela s'est fait
naturellement. Un jour j'ai décidé de filmer
ma vie parce que j'avais vu des exemples de journaux filmés :
ceux de Joseph Morder ou de Jonas Mékas.
Je veux d'abord raconter ma vie, mais en même temps
j'essayais par là-même de faire un film à
partir d'autres matériaux, à partir non seulement
d'une caméra qui enregistre en son synchrone mais aussi
d'un journal écrit, sonore, voire d'autres éléments
de la vie de mon passé, des photos de mon passé,
essayer de retrouver des morceaux de mon intimité.