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Objectif Cinéma (c) D.R.
Objectif Cinéma : Il y a quatre aveux, à ta mère, à ta grand-mère, à ta soeur et à ton père. Aux trois membres féminins tu ne dis pas le mot " homosexua-lité " ni " homosexuel " ?

Rémi Lange : C'était volontaire de ma part sauf qu'à un moment donné je ne pouvais plus faire autrement. Parce qu'à la fois il y avait le temps qui tournait, alors si on n'emploie pas le mot " homosexuel " il faut employer une périphrase genre " des hommes qui aiment des hommes " et ça devenait trop long. Sinon j'ai réellement voulu ne pas tomber dans une représentation classique et essayer d'éviter de tomber dans une classification. Je ne voulais tomber dans une représentation qui a été inventée fin 19e siècle par des médecins, une classification médico légale qui définit et met des étiquettes sur le dos des gens. Pour moi le mot " homosexualité " ne me définit pas entièrement. Je ne voulais pas tomber dans ce piège là et ne surtout pas employer ce mot là. Dans le mot " homosexualité ", on ne voit que la sexualité, qu'une relation sexuelle, pratique, matérielle et pour moi ça implique bien d'autres choses.


Objectif Cinéma : En fait, je crois que tu as échappé de peu à une dramatisation. Je me disais " pourquoi il n'a pas pris sa caméra et dit " Maman je suis homosexuel ". Point, il attend et il filme sa mère. Silence " ?

Rémi Lange : Ce n'est pas possible de faire ça. On en voit plein de films disant Maman je suis homosexuel, par exemple Sitcom ou Garçon d'honneur. Entre la manière dont le personnage le dit dans ce dernier film et la façon dont on peut le vivre réellement, tu bafouilles, enfin il y a beaucoup plus d'émotion, à moins d'être vraiment insensible. Pour moi, les mots ce n'est qu'une expression de ton corps qui exulte, ça part dans tous les sens.

La veille, j'ai décidé de dire certaines phrases, j'ai essayé de " préparer une liste dans lequel l'inconscient prisera ", je dis ça dans une voix off. Je savais très bien que je n'allais pas pouvoir m'en souvenir au moment où je le disais, à cause de l'émotion que j'allais ressentir à ce moment là. Il y a certaines expressions que j'ai redites telles que je les avais voulues ou imaginées, et il y en a d'autres où un flux d'inconscience a fait son travail lui-même. C'était un acte automatique au sens de l'écriture automatique.

En même temps j'ai dit certaines phrases (" Ce n'est pas la troisième guerre mondiale ") pour insuffler des touches d'humour au film. Je voulais le dire absolument à ma grand-mère, franchement.


  Objectif Cinéma (c) D.R.
Objectif Cinéma : Quand tu vas chez les personnes, ta famille, comment tu amènes tes aveux ? Quand tu vas leur parler il y a toujours un objet (le journal, le vin) et le corps de la personne. A quel moment tu guettes la mise en scène de la personne inconsciente ou pas, le lancement du processsus cinématographique ?

Rémi Lange : Il y a une toute petite part de mise en scène car à l'époque je recherchais des leçons de mise en scène. La seule que j'avais trouvée et qui me correspondait dans le cadre d'un film pseudo-documentaire cinéma-vérité était celle d'Arnaud Desplechin disant " qu'un acteur, il fallait toujours lui faire faire quelque chose ". J'ai décidé de leur faire faire quelque chose, pas forcément un acte symbolique qui soit forcément la trace de leur personnalité. Ma soeur fumait devant ses livres en tenant le micro. Après j'ai vue qu'il y avait un déguisement sur ses chaise, je lui ai demandé de se déguiser.