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Ce n'était pas dans le but d'avouer quelque chose. A chaque fois que je filmais dans le cadre d'un aveu ou pas, il ne fallait pas que la personne soit statique devant la caméra, que ce soit une action encrée dans la vie. Il y a des scènes que j'ai vraiment voulues, par exemple la scène où je me filme en regardant la caméra, je ne fais rien d'autre que regarder la caméra. Quand je regarde par terre, je fais déjà quelque chose.

Je fais chanter La Java bleue à ma grand-mère : pour moi c'était déjà lui faire faire quelque chose, ou bien je la fais regarder dehors par la fenêtre, car elle doit le faire de temps en temps, quant à mon père, je lui fait faire des mots croisés.


Objectif Cinéma : Il y toujours une idée de fiction dans le cinéma autobiographique, et cette idée du faux amène du faux dans le contenu de l'image. Une image reste une image et c'est faux... au cinéma, tu ne peux pas ne pas choisir.

Rémi Lange : Dominique Noguez à propos de Jonas Mékas disait que " le plan le plus universel est la marque d'une subjectivité ". A partir du moment où tu cadres quelqu'un, c'est la marque d'une subjectivité, c'est déjà faux.


Objectif Cinéma : Après coup, quand tu es avec les gens dans la vraie réalité, as-tu l'impression d'avoir dit quelque chose ? Parce que tu vas quand même diriger les gens, faire un film ?

Rémi Lange : Non seulement au moment du tournage, il y a une certaine mise en scène mais je l'ai monté aussi comme un film narratif classique, selon les règles du scénario traditionnel. Il y a encore beaucoup d'orientations de ma part. Les personnes filmées devant ma caméra ou une autre ne sont pas elles-mêmes, elles jouent un jeu plus ou moins théâtral, elles portent un masque.

Je devais faire un film de fiction. On ne fait généralement pas de film sur une histoire heureuse, sauf de rares films comme La Rencontre d'Alain Cavalier, qui ne raconte rien d'autre qu'un amour entre deux personnes, rien que du bonheur.
Je ne pouvais pas faire ce genre de film où il ne se passe rien, j'aurais eu l'impression d'ennuyer le spectateur. Comme on ne fait pas de film sans problème, sans malheur, il a fallu que je crée le malheur. Je l'ai provoqué. Ce qui pouvait poser problème c'était la révélation de mon homosexualité à mes parents. C'était inventer un obstacle qui s'opposait à mon bonheur qui était de vivre avec Antoine. Il fallait trouver la loi qui s'oppose au désir, qui est le moteur de tout récit.
C'était dans une logique implacable, à partir du moment où tu veux transformer une tranche de ta vie en film narratif classique, en un film de fiction traditionnel qui raconte des problèmes.

J'aurais très bien pu ne pas utiliser de caméra, ou leur dire au détour d'une conversation, ou laisser traîner des actes manqués déguisés (une lettre, une photo).