Objectif
Cinéma : Vas-tu essayé
de faire des films de fiction ?
Rémi Lange : Pour
moi, il n'y a pas de hiérarchie. Une fiction n'est
pas meilleure qu'un documentaire. Le genre de journal filmé
inclus, aspire à d'autres genres cinématographiques.
C'est le genre le plus libre qu'on puisse trouver, le genre
de tous les genres : c'est la liberté. Je ferai
une fiction si faire une fiction devient une nécessité.
Mais je pense que maintenant ça le devient, dans le
sens où exposer sa vie comme ça te rend assez
vulnérable, dans le sens où on a tous besoin
de protection, de jardin secret pour vivre ; au moment
où le film est sorti, c'était difficile parce
que je m'exposais encore une fois. Et en même temps
la caméra fausse le rapport à l'autre, je filmais
des personnes parce que ça me faisait plaisir qu'elles
soient dans le film, de les immortaliser en quelque sorte
parce que je les aimais bien. Je voulais absolument que mes
proches soient dans mon film. Après coup certaines
personnes filmées ont cru que je les utilisais dans
le but de faire un film. N'importe quel acte créateur
est un acte vampirisateur. Je terminerai la trilogie (Omelette-Les
yeux brouillés-...). La suite racontera une crise
amoureuse que j'ai provoquée aussi... que je suppose
avoir provoquée pour faire le film.
Objectif Cinéma : Tu
connais l'introduction, tu connais l'événement
perturbateur, et derrière tu ne sais pas. Tu as besoin
d'aller chercher d'autres matériaux ?
Rémi Lange : Pour
faire un film classique, il faut un problème à
provoquer. Après, il faut que le problème se
résolve et là on ne sait jamais comment il va
se résoudre. Quand tu écris un scénario
tu ne sais pas comment ça va finir.
La résolution dans Les Yeux brouillés est un
peu moins claire parce que je ne pense pas avoir tout résolu.
Il se termine par un point d'interrogation. Omelette se termine
par un happy-end, c'est la rencontre avec le père.
Les problèmes sont toujours là parce qu'on ne
sait pas si ma grand-mère va l'accepter.
A un moment, comme tu ne peux
pas tout montrer, tu décides d'arrêter un film.
Là je choisis de travailler sur ma réalité,
sur mon " intimité ", qui est quelque
chose d'inaccessible, que tu ne peux pas atteindre. En dehors
de ce cadre je ne travaille pas mon intimité. Il y
a le travail sur l'intimité que tu montres et puis,
une fois que le cadre est terminé, c'est fini. Je n'ai
pas envie de dévoiler ma vie privée comme cela
: ça ne doit pas être obscène.
Objectif Cinéma : Dans
la fiction, il y a une touche moderne qui résout un
semblant de problème. Tu quittes ça, et il y
une vie après... avec des choses qui t'ont échappé.
Rémi Lange :
Un film doit poser des questions, à
chacun de trouver les réponses aux questions selon
son vécu, sa personnalité, sa culture. Ce n'est
pas à un film de dicter les comportements, ce n'est
pas un film de propagande. Il est hors de question que j'en
fasse un film prosélytique homosexuel. C'était
de poser des questions sur ce que c'est sa vie, son intimité.
Il y a une recherche naïve de la vérité
mais il n'y a pas de vérité. Elle n'existe pas.
Objectif Cinéma : C'est
une histoire de révélateur... Grâce à
la parole tu as fait tomber les masques.
Rémi Lange :
Au contraire je m'aperçois qu'en
voulant faire tomber les masques, en essayant de les arracher,
au fur et à mesure les gens jouent un rôle. Je
me suis aperçu qu'il y en avait d'autant plus quand
tu essayais de leur ôter.
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