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DOMINIQUE CABRERA
" le réel ne fait rien,
c'est nous qui faisons
quelque chose "
Par Bernard PAYEN


On sent derrière Une poste à la Courneuve ou Chroniques d'une banlieue ordinaire, documentaires de Dominique Cabréra, une sincérité, une nécessité, et le sentiment certes illusoire que les problèmes peuvent se résoudre après les avoir filmés et donc montrés.

Ce jour hivernal de février 1996, dans ce café proche de la place Clichy à Paris, Dominique Cabrera était arrivée en moto, la tête encore perdue dans les pensées du scénario de L'Autre côté de la mer ", qu'elle venait de terminer. La conversation fut passionnante quoi qu'en ait pensé la réalisatrice, désolée de ne pas pouvoir évoquer de la manière la plus précise qui soit, la manière dont elle conduisait la réalisation de ses films. Nous, on garde au contraire en mémoire ses silences, et son regard (au sens propre), son attention si particulière d'observer les gens, du vieil habitué qui prend son verre de vin rouge au garçon de café dissimulant son oeil au beurre noir...

Après " l'autre côté de la mer ", sorti en 1997, Dominique Cabréra sort " Nadia et les hippopotames ", son deuxième long métrage.


Paroles …



Dominique Cabréra : " Regardez dans ce café, les gens qui nous entourent, c'est comme s'il y avait une multitude de petites portes qu'on pourrait ouvrir. Toutes les personnes qui sont là, dont les histoires se croisent et se touchent même parfois, fabriquent une espèce d'idée collective. Je suis tout le temps frappée par ça, dans le métro, dans la rue... "

(...) " Pour voir quelque chose dans un endroit ou une situation, on ne peut pas laisser faire, il faut travailler. Pour faire un film, il faut trouver des moyens pour que ça se voie. C'est comme un révélateur. Pour que ça se voie, il y a des moments où les choses arrivent. Il suffit de les attendre. Mais déjà, trouver l'endroit où l'attendre, c'est mettre en scène.

Objectif Cinéma (c) D.R.

(...) " Dans " Chronique d'une banlieue ordinaire ", il s'agissait de trouver des moyens de faire arriver la mémoire, mettre en scène des gens qui nous plaisaient en train de se souvenir de quelque chose qui comptait pour eux. Dans " Une poste à la Courneuve ", il y avait le désir de filmer ce qui arrivait. Il y a eu beaucoup de moments où on était dans cette poste et on n'arrivait pas à filmer ce qui arrivait. Un des travaux du cinéma, c'est de faire une espèce de page blanche pour que quelque chose se voie. C'est le travail de la mise en scène, et ce n'est pas seulement être là et laisser faire le réel. Le réel ne fait rien, c'est nous qui faisons quelque chose. Il faut chercher un sens. Le principal axe du travail dans la poste a été quasiment un axe politique. C'est à partir du moment où on a compris qui étaient les gens présents dans cette poste, pourquoi ils venaient là, quelle était la position sociale des postiers par rapport aux clients, ou par rapport aux institutions, quelles était la position sociale de la femme de ménage par rapport aux clients, aux postiers...qu'on a pu faire le film. C'était savoir à quelle heure venait qui, etc...mais surtout analyser la situation. Quand on a analysé la situation, on a pu découper dans le texte des repérages et interviews qu'on avait faits, une sorte de scénario, celui qu'on a filmé. C'est comme fabriquer un cadre dans lequel entrent ou non des choses. C'est ce qu'on appelle " laisser faire le réel. Mais pour le faire, il fallait un cadre. Sinon, c'était impossible de le faire. Il y a eu des moments terribles où il y avait tellement de choses que je ne savais plus quoi filmer. "