Pierre Salvadori :Par
contre il existe des mouvements de caméra insensés
et sublimes : Cape Fear, par exemple. De Niro
est suspendu par les pieds parce qu'il fait des tractions,
la tête est en bas, les pieds en haut, et il séduit
la jeune fille, en lui parlant avec une petite voix douce...Comme
il a la tête en bas, le sang lui monte évidemment
un petit peu à la tête, et là, la caméra
commence à tourner et fait un pano à 360°,
ce qui fait qu'à l'image, tu le vois à l'endroit.
Comme il est lui toujours physiquement suspendu, tu le vois
les cheveux dressés sur la tête et le visage
rouge gonflé de sang : tu vois le diable :
en un seul mouvement de caméra, tu vois l'autre facette
du personnage, le mal incarné ! Il y avait un
sens derrière cette virtuosité ! C'est
totalement le cinéma : le fond et la forme !
On a dit qu'il y avait une débauche de mise en scène
et la caméra dans tous les sens dans Le Temps de
l'innocence ! Mais que filme-t-il de cette manière ?
Des gens bourrés de codes, les couverts, les tableaux,
les tentures, un décor chargé dans lequel les
gens n'arrivent pas à s'aimer ! Dans toute cette
débauche de mouvements et de décors, reflet
de cette société boursouflée, les deux
personnages ne se touchent pas. Ils ne se rapprochent que
dans des moments très simples, dans la carriole ou
dans la maison de campagne, où les murs sont vides
et la caméra fixe, en complète adéquation
avec son sujet. S'il filme comme ça, c'est parce qu'ils
sont comme ça. Il y a une idée de mise en scène,
une rigueur : il a trouvé le style du film ! Quand
il filme l'amour, la pureté d'abandon, de vérité,
il le fait avec beaucoup de retenue, contrairement au reste...
Les connards qui n'ont rien compris ont juste parlé
de la débauche des mouvements de caméra...Tu
auras tout le temps ça en face de toi : quelqu'un
qui ne comprend pas et qui donne son avis ! Comme le
dit je crois Woody Allen, je préférerais toujours
un film poétique à un film naturaliste, parce
que faire un film, c'est avoir un point de vue sur une histoire.
Je me souviens qu'un réalisateur qui fait souvent des
films naturalistes a dit des Roseaux sauvages que c'était
un film trop écrit. Je me marre ! D'abord parce
que Les Roseaux sauvages est un film magnifique et
très émouvant, et ensuite parce que ce mec théorise
en fait ses propres lacunes ! Il fait un avantage de
ce qu'il ne sait pas faire. C'est comme quelqu'un qui n'aurait
plus qu'un bras et regarderait un mec qui en aurait deux en
disant : " moi je trouve que c'est trop symétrique ! "
Quelqu'un qui théorise ses lacunes, c'est quelqu'un
qui essaye de faire un avantage de ses incapacités.
Ce qui est extrêmement malhonnête, c'est d'aller
critiquer ensuite quelqu'un qui a su avoir cette grâce
dans l'écriture ! C'est comme Salieri qui dit
" trop de notes " à Mozart parce
que les ¾ lui ont échappé !
LES PRODUCTIONS PELLEAS
Pierre Salvadori : J'avais
envoyé à Philippe Martin le scénario
de Cible Emouvante, et c'est le seul qui s'est bougé
à l'époque. Tout le monde disait que c'était
très bien mais ils me demandaient d'écrire pour
eux. Quand on s'est rencontré, Philippe avait le même
âge que moi, et il était sur le point de créer
sa société de production : il a décidé
à la lecture du scénario de produire le film,
après celui de Tilly (Loin du Brésil,
ndlr). Si je ne l'avais pas rencontré, peut-être
que je commencerais seulement à écrire des courts
métrages maintenant. Ce n'était pas évident
de me faire confiance : je n'avais pas encore fait de courts
métrages, mais il aimait simplement la façon
dont je parlais, et il voyait que j'étais très
cinéphile. Il a accepté que je le réalise
mais m'a demandé d'abord de faire un court métrage.
C'est formidable parce qu'il y a une vraie démarche
de producteur derrière tout ça.
2000Les
marchands de sable 1997Comme elle respire 1996L'amour est a réinventer (un des
dix films courts) 1995Les Apprentis 1993 Cible
émouvante 1992Ménage