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WILDER, LUBITSCH ET CAPRA

Billy Wilder (c) D.R.
Pierre Salvadori : Dans ses mémoires, Wilder raconte qu'il avait en permancence sur son bureau un petit panneau sur lequel était marqué " comment Lubitsch aurait fait ". Quand j'écris, je me demande aussi parfois comment Lubitsch, Wilder ou Blake Edwards auraient fait. Mais pas Capra. Je revoyais l'autre jour Mr Smith au Sénat, c'est vraiment chiant ! C'est navrant ! Wilder faisait jouer ses acteurs d'une manière beaucoup plus moderne. Ce n'est pas le charme suranné ou la patine qui font que tu aimes le film. Là tout est cousu de fil blanc, il n'y a pas la finesse ou le côté subversif de Lubitsch ou Billy Wilder.


MISE EN SCENE

Pierre Salvadori : Les gens qui me reprochent de négliger la mise en scène dans mes films ne comprennent pas qu'une histoire appelle une mise en scène spécifique. Quand tu filmes deux mecs dans un appartement, leur ennui, il faut faire très attention à conserver une fluidité, tout en veillant à ce que ça ne se voit pas, savoir garder la bonne distance entre la caméra et les personnages. Je dis pas que ce soit tout le temps réussi ou pas, mais il y a eu un grand soin apporté à ça pour qu'on garde par moments ce sentiment du spectateur d'être à côté d'eux ou de les surprendre. Beaucoup de gens me demandent par exemple si les dialogues sont improvisés, etc... Il y a de la mise en scène dans les options de jeu avec les comédiens, les choix de cadre, de déplacement...


" LES AMANTS DU PONT-NEUF "

  Les Amants du Pont Neuf (c) D.R.
Pierre Salvadori : Beaucoup de gens vont me dire que dans Les Amants du Pont-Neuf, il y a une très grande mise en scène par exemple... Moi je trouve la mise en scène totalement décalée : quand Carax va filmer des vrais clochards à Nanterre, de manière documentaire, je trouve cela honteux parce que c'est voler à des gens la dernière chose qui leur reste, leurs cicatrices et leurs douleurs. Est-ce qu'il s'est demandé une seconde en les voyant ivres morts, se taper dessus, s'ils avaient des enfants, s'ils avaient envie qu'on les voit comme ça ? Non ! C'est leur nier toute humanité, les prendre et les montrer en Dolby Stéréo machin. Il faut faire très attention, c'est du mauvais goût : dans un documentaire, cela passe à la limite, mais dans une fiction comme ça, très poétisée, donner une espèce de caution en s'appropriant des choses qui ne t'appartiennent pas... je trouve ça douteux ! La caméra n'est pas à la bonne distance. Quand tu filmes une histoire d'amour sur un pont, et que tu as cette espèce de grandiloquence, cette idée que  " le bonheur n'est possible que le 14 juillet ", c'est un décalage total dans le filmage; finalement, c'est un bonheur induit qui est faux, parce qu'il y a une démesure, et il n'y a donc pas une bonne mise en scène... Par contre je trouve Boy meets girl sublime...

Avec Les Amants du Pont-Neuf, on parle de très grande mise en scène, mais en fait ça se voit et ce n'est pas comme il faudrait, c'est tout à fait contradictoire ! Ce n'est jamais la bonne distance, aussi bien quand il filme la misère - qu'il n'a pas à filmer car elle ne lui appartient pas - que dans sa façon de filmer le contraire, l'amour, le bonheur dans des conditions extrêmement précaires. Et puis ce n'est pas poétique, si ça l'était, ça passerait. Il y a plusieurs façons de regarder un film ou d'avoir une idée de ce qu'est un film. Ce qui est intéressant, c'est d'en discuter...