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L'ECRITURE DE SCENARIOS

Comme elle respire (c) D.R.
Pierre Salvadori : J'essaye d'abord de définir quel va être le style d'un film, ce que je vais pouvoir m'autoriser et ce qui m'évitera ensuite de m'écarter d'une espèce de ligne et d'éviter la " faute d'orthographe ", c'est à dire un plan ou une séquence qui n'est pas dans le ton du film. Par exemple, je suis actuellement en train d'écrire l'histoire d'une mythomane (...comme elle respire, sorti en mai 1998 - ndlr) : je me pose des questions qui peuvent paraître stupides, par exemple : est-ce que c'est une affabulatrice ou une mythomane ? Si c'est une mythomane, c'est un cas pathologique assez grave, profond et intéressant : " pourquoi quelqu'un ment ? ". Si tu mets une mythomane dans une comédie policière, toute l'étude de mœurs va forcément être amoindrie, et tu auras affaire à une affabulatrice. Par contre, dans une chronique, tu peux te permettre de travailler sur la mythomanie. Tu fais des choix au départ, avec ton co-scénariste qui vont définir un petit peu le ton du film.

Ensuite, je fais un scène à scène, toute la construction. Je me retiens vraiment de passer à l'adaptation des dialogues que j'aime bien faire. Je demande d'abord l'avis d'un dramaturge, un ami qui fait du théâtre. On voit ensemble ce qui va et ce qui ne va pas et une fois que j'ai une structure qui m'intéresse, je passe à l'adaptation. C'est plus ou moins large; par exemple dans les Apprentis, il y a une scène où Fred et Antoine vont chez la grand-mère de leur copain pour lui demander un délai pour l'appartement : dans le scène à scène, on avait simplement marqué : " ils vont chez la grand-mère et elle refuse ". Il y avait d'autre scènes plus développées parce qu'on était plus inspiré, par exemple celle du braquage, où le chat était déjà précisé. A l'adaptation, je me pose des questions, par exemple, qu'est-ce que je vais pouvoir faire avec cette vieille, car la scène doit être intéressante. Je m'étais dit de ne pas commencer tant que je ne trouverais pas une idée : " tiens ils sont dans le noir, tiens elle est effrayante, tiens elle est folle, finalement leur destin est dans les mains d'une folle " - ce qui est tragique et en même temps très drôle. Puis quand tu as écrit une première version , c'est l'épure. (...) Pour trouver le ton juste, Je joue et rejoue les scènes. J'ai eu la chance d'avoir été un petit peu acteur, donc je les relis sans arrêt, je me pose des questions : comment mieux amener une réplique par exemple...

  Hitchcock - Truffaut (c) D.R.
(...) J'écris l'histoire d'une menteuse, parce que le mensonge est propice à la comédie : le spectateur sait, un personnage sait, et un autre ne sait pas, et c'est avec ce triangle que fonctionne la scène. Je pense qu'on apprend plus à faire du cinéma en lisant le " Hitchcock-Truffaut " qu'en faisant trois ans de FEMIS. J'en suis intimement persuadé ! En lisant et en le comprenant, mais ce n'est pas difficile car ce sont deux personnes qui sont extrêmement simples à comprendre, et brillantes et intelligentes... Souvent on dit qu'on a l'impression d'être intelligent quand on lit du Truffaut, parce qu'il dit des choses très profondes très simplement !

Pour ce qui est de ce principe, en l'occurrence on ne sait pas dans la déclaration d'amour que la jeune fille est comme ça, mais il y a plusieurs moments où ce principe fonctionne. L'idée qu'une personne regarde le film est prépondérant à la construction, à la grammaire et à l'écriture d'un film. Regarde Lubitsch ou Billy Wilder : ils écrivaient constamment en pensant à cela et recréaient complètement quelque chose de jubilatoire et de jouissif. Il suffit de citer le célèbre exemple de la gondole-cendrier dans Haute-Pègre. Le style du film, c'est sa langue : trouver en quoi tu vas parler.