(...) " Un personnage peut apparaître
beaucoup plus ambigu une fois qu'on l'a joué. En
tant que spectatrice, au théâtre ou au cinéma,
je trouve qu'on a pas du tout la même vision du personnage
selon les acteurs qui l'interprètent. Je prends toujours
l'exemple d'Orson Welles. A mes yeux, il a trahi tous les
films qu'il a joués, parce que sa personnalité
est tellement forte, que même dans Le Troisième
Homme, où il joue un salaud, on s'en fout, on
est pour lui ! J'appelle ça trahir ! "
(...) " Je n'ai jamais une idée
très précise de mon personnage. Il a une espèce
de flou, et il vit " par blocs ". Il
vit de sa propre vie à travers ce qu'il dit. Je n'ai
pas une idée préalable du personnage. Je n'ai
pas envie de dominer mon personnage, je préfère
qu'il me domine. On se fait forcément une idée
de sympathie ou d'antipathie, mais ce n'est qu'une impression,
une sensation. J'aime beaucoup l'idée d'imprévu,
lors des prises de vue avec un autre acteur. On ne danse
pas bien tout seul, il faut danser avec quelqu'un. En lisant
le script, on peut se faire une idée de l'autre personnage,
avec ses répliques, et être surpris de le voir
jouer. La vie des personnages a une logique qui ne nous
appartient plus ensuite. Entre le personnage qui est vraiment
écrit, celui que vous avez compris, et celui que
le spectateur a vu... Je me rappelle avoir discuté
pendant des heures avec quelqu'un à propos du personnage
de l'écrivain dans Barton Fink. On ne voyait
pas du tout le même film ! "
(...) " La convention de croire
à ce qu'on joue est très fragile, par conséquent,
c'est dans le regard de l'autre que la magie peut continuer.
Ce n'est sûrement pas dans la prouesse des mots, je
crois que c'est dans le regard. "
(...) " La séduction
entre un metteur en scène et une actrice, c'est rentrer
dans son univers, entendre un son de cloche...mais tout
sert à tout...mais je trouverais désastreux
le manque de séduction. Je crois à la magie
des choses sans cesse renouvelée : le regard
des gens, le sourire, la grâce, l'intelligence de
quelqu'un, sa folie... Je crois à tout ce qui est
incontrôlable. Pour être metteur en scène,
il faut peut-être avoir du talent, être intelligent,
mais surtout avoir ce quelque chose en plus qui met les
acteurs en confiance pour qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. "
(...) " Je trouve que le sérieux,
les certitudes, le moralisme, " l'arrêt
sur image ", tuent. Quand je parle de la part
d'enfance qu'il y a en chacun de nous, c'est la part d'audace,
de " pas sérieux ", de grâce
finalement. Dans le cinéma, même s'il y a parfois
ce côté " prendre les choses à
bras-le-corps ", comme quand on se crêpait
le chignon dans une cour d'école, il faut se dire
que c'est quand même un jeu. Ce sont des jeux qui
coûtent souvent des milliards, mais qui restent quand
même des jeux. J'aime pas le sérieux, le côté
" attendez les trois coups, ça va être
important ".