(...) " J'ai l'impression qu'on
vit toujours sa vie de façon brouillonne, sans contrôler
beaucoup de choses, parce que tout va trop vite ! On
est un peu comme dans une savane ou on s'accroche aux branches :
il y en a des solides, d'autres qui cassent ou que l'on
rate... Je n'ai jamais cru aux stratégies des vies
: quand on a une stratégie, on tue des choses. On
obtient peut-être ce qu'on veut, mais on ne sait jamais
les choses qu'on a pas eues. C'est comme un panzer qui écrase
tout. On a envie de faire tellement de choses dans la vie,
et on n'en a pas assez d'une, mais il faut quand même
se discipliner parce que si on entreprenait trop de choses,
on raterait peut-être tout. "
(...) " J'ai eu la chance de
faire un métier ou tout est très différent
à chaque fois, mais regardez au théâtre,
quand on entend les gens dire que c'est toujours pareil,
que l'on répète tous les soirs la même
chose, ce n'est pas vrai ! Souvent la veille, on fait le
brouillon de ce que l'on va faire le lendemain, des choses
nous échappent... C'est plutôt comme un artisanat
: on ne détient jamais la vérité, on
n'a jamais atteint l'absolu. "
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(...) " Ce métier m'a
peut-être rendu plus fragile... C'est comme une peau
de chagrin. C'est comme si on cherchait sans cesse à
atteindre quelque chose qui se recule, qu'on n'a pas...et
qu'on a moins le temps... Je me suis toujours demandé
si ce n'était pas l'idée de l'arc et de la
flèche : est-ce la cible ou la tension la plus
importante ? Cela rend plus fragile, parce que cela
enlève des peaux, on a moins de certitudes... Plus
fragile peut-être, mais avec de plus grandes joies,
ces joies du moment présent... Il n'y a que le moment
présent qui compte, tout le reste n'est que du vent...
éculubrer sur le passé ou l'avenir...ce ne
sont que des mots : rien ne remplacera la vie présente.
On peut avoir gâché sa vie à attendre
ou à regretter... C'est l'idée de l'éphémérité
de la vie aussi... l'idée qu'il faut aller vite,
ou plutôt bien penser que la vie ne vaut pas la peine
d'être vécue, et quand on arrive à 50
ans, on mesure combien on était heureux quand on
avait vingt ans... Alors c'est bien d'avoir été
très heureux à vingt ans ! Et quand je
dis heureux, ce n'est pas béat, mais " plein ",
l'idée qu'il faut prendre chaque chose à bras-le-corps,
sinon personne ne vous le rendra.
(...) " Il vaut mieux avoir fait
des choses qui ont raté et de les revendiquer, que
de se torturer pour aller vers des choses tout en pensant
que ce sera un succès, et d'avoir alors un bilan
totalement négatif (on s'est ennuyé et ce
fut un échec). Il y a l'idée de dire " tant
pis, mais j'y ai cru ". C'est un instinct de survie,
la survie de ne pas se laisser embarquer dans des choses
auxquelles on ne croit pas. Dans les films que j'ai faits,
il y en a que j'ai aimés, d'autres qui sont ratés
ou réussis, mais je sais que quand je partais sur
le lieu de tournage de chacun d'eux le matin, j'avais envie
de les faire. Peu m'importait le résultat, et ce
n'est pas à moi de le juger. "