Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
(...) Mon premier long métrage comme chef-opérateur s'appelait "le chien", réalisé par un new-yorkais, Lee Jaffe, un junkie grave qui est devenu peintre aujourd'hui et qui avait eu un prix à Knokke après avoir filmé en un plan-séquence sa pendaison à un des grands ponts de Brooklyn... Il y avait aussi le français Jacques Robiolles qu'on a tous vu réclamer cent balles à Jean-Pierre Léaud dans les films de Truffaut. J'ai tourné plusieurs fois avec lui : une fois, on n'a pas tourné parce qu'il n'y avait pas de caméra, une autre fois le film était périmé, il n'y avait rien dessus. On était vraiment dans une perspective totalement underground ! Il a quand même fait quelques films assez beaux. Je me souviens de son moyen métrage "les yeux de maman sont des étoiles". Avec Yvan Lagrange qui était étudiant à l'INSAS en même temps que moi et qui faisait aussi un cinéma parallèle, on a tourné "Tristan et Yseult"...


  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : "Passionnément", votre dernier film, est un film qui échappe aux normes, un peu comme "Double messieurs"de Jean-François Stévenin auquel vous aviez participé (même si les deux films n'ont absolument rien à voir)...

Bruno Nuytten : Je n'ai pas officiellement participé à l'écriture de "double messieurs" J'avais beaucoup aimé "passe-montagne" le premier film de Jean-François Stévenin, je l'ai rencontré sur le tournage de "barocco" où il avait un petit rôle. On est devenus assez proches. Il avait depuis un moment en tête son histoire de "double-messieurs" qu'il m'avait raconté un soir. Rien n'était écrit. Stévenin a un rapport assez compliqué à l'exécution des choses : il préfère rêver longtemps sur la formation ou la formulation d'une chose mais l'exécution l'angoisse terriblement. Un jour, avec Jacky Berroyer, inconnu à l'époque, on est partis dans le Jura de Stévenin. On passait nos journées sur une barque au milieu d'un lac, et Jean-François nous racontait cette histoire Jacky et moi participions à son élaboration. Stévenin devait enregistrer ça quelque part. Et puis ça n'a pas avancé. Un jour, j'ai envoyé un synopsis, une continuité un peu dialoguée, à Jean-François en lui disant "voilà ce que tu nous a raconté dans la barque, je ne fais que le restituer."

Et puis il ne m'a jamais vraiment rappelé par rapport à ça. Je crois que ça l'a pas du tout intéressé que je m'en mêle autant. Quinze jours avant de commencer le tournage, il est venu me voir en me demandant de ne pas faire la photo de son film. Je crois qu'il a eu peur d'un trop grand engagement de ma part sur ce film. Ce que je peux très bien comprendre maintenant. Mais à l'époque ça m'a blessé, comme peuvent le faire des blessures amicales. Comme il a fait faire la photo par Pascal Marty qui avait été mon assistant, on restait dans la même famille.
J'ai toujours eu une façon bizarre de fonctionner quand j'étais chef-opérateur. Il fallait vraiment que je sois acteur du film à ma façon.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Si je ne l'étais pas, ça m'ennuyait à mourir. Au début, j'ai eu la chance de l'être assez souvent. Je m'investissais beaucoup dans des projets pour lesquels je n'étais pas forcément sollicité au départ, mais je crois que mon enthousiasme encourageait d'une certaine manière les projets des gens que je croisais, et réciproquement. Cela a donné lieu à des rencontres très fortes et à des résultats.

Du jour où j'ai été sollicité comme technicien "professionnel", je ne me sentais plus à ma place, je m'ennuyais à mourir, je ne comprenais pas ce qu'on me demandait. Et en plus les résultats n'étaient pas bons. J'ai d'ailleurs commencé alors à avoir peur et je me suis même dit que je n'étais pas fait pour ce boulot-là.