Objectif Cinéma : Un
de vos films présentés à la Rochelle
m'a beaucoup intéressé, C'est le chien qui
aimait les trains...
Goran Paskaljevic : J'ai
toujours eu des problèmes pour financer mes films
: c'est pour cela que je ne les revois jamais. Je regrette
toujours de ne pas avoir fait mieux, de ne pas avoir fait
plus. Je reste très critique sur mon travail. Mais
le chien qui aimait les trains ma été inspiré
par un vrai personnage de cow-boy. Je suis parti de son
univers (sa camionnette, ses chevaux...) et c'est devenu
ensuite une toute autre histoire. C'est un film assez noir...
Objectif cinéma : Oui,
en même temps, il y a une très grande liberté
de filmer qui est assez jouissive...
Goran Paskaljevic : Le
film a été fait en 1977. Mon premier film
était un court métrage de 20 minutes, en 16
mm, réalisé pour la télévision
de Belgrade ; le thème était le même
que celui de la ballade de Narayama d'Immamura. La
liberté venait de la jeunesse. Avec mon directeur
photo, on avait décidé de faire un film avec
le moins de contraintes possibles, le plus simple possible,
sans faire de champs/contre champs etc... Je ne pouvais
pas amener ce film ici car je ne dispose que d'une seule
copie en très mauvais état.
Très souvent les premiers
films des metteurs en scène sont plus frais que les
suivants, parce que vous devenez ensuite de plus en plus
esclave de votre propre travail ou de votre propre style,
et vous commencez à vous répéter. Cela
arrive à tout les réalisateurs. C'est pourquoi
j'aime faire des films différents. Je retrouve quand
même les thèmes des vieilles personnes, des
sans-espoirs : c'est le monde qui m'intéresse. Mais
j'essaye de trouver à chaque fois des scénarios
avec des points de vue différents. Quand vous voyez
les dix films que j'ai faits, vous vous apercevez quand
même que c'est la même personne qui les a faites.
Mais ils sont différents dans le style. Pour moi,
la forme et le style, viennent toujours après. Je
me suis toujours d'abord préoccupé des êtres
humains dans l'histoire et qui va les incarner. Je n'étudie
jamais beaucoup la scène avant le tournage proprement
dit. J'ai une vague idée de ce à quoi la scène
va ressembler mais je laisse une très grande liberté
aux acteurs. Je leur demande comment ils sentent la scène.
On travaille vraiment ensemble comme si on recréait
un petit morceau de réalité. Au moment où
j'ai l'impression que les acteurs sont au point, qu'il y
a une véritable spontanéité, je travaille
avec mon directeur de la photo. Certains de mes films sont
très découpés, d'autres sont composés
de plans séquences; tout dépend comment je
sens le film. C'est nécessaire d'être libre
pendant le tournage. C'est là où les idées
sont les plus belles; d'un autre côté, les
producteurs ne vous donnent pas forcément l'opportunité
de changer des choses. C'est une lutte contre le temps.
Il n'y a que quelques metteurs en scène dans le monde
qui ont le temps de faire ce qu'ils veulent sur un tournage...