Goran Paskaljevic : Faire
des documentaires a été beaucoup plus formateur
que de faire la Famu (école de cinéma de Prague,
ndlr). A la Famu, vous êtes libre de vous exprimer
à travers les petits exercices que vous y faites,
c'est assez artisanal. J'ai commencé à faire
des documentaires sur les gens ordinaires, la classe ouvrière
contrairement à mes collègues qui ne voyaient
pas l'intérêt de faire cela. J'ai fait une
série de dix documentaires (5 positifs et 5 négatifs).
Ils en ont interdit trois sur dix dont un sur le ghetto
tsigane, qui devait m'inspirer plus tard pour mon film de
fiction Ange-gardien. Les documentaires ont eu un
certain succès populaire qui a entraîné
la diffusion des films interdits. Malheureusement tous sont
aujourd'hui perdus.
Objectif Cinéma :
Vous n'avez plus voulu faire de
documentaires ensuite ?
Goran Paskaljevic : Non,
parce que l'atmosphère a changé. Maintenant
la plupart des documentaires se fait en vidéo, à
base de reportages et d'interviews. Il y a vingt cinq ans,
on a fait beaucoup plus de recherches - je parle de la situation
à Belgrade, car j'ai vu sur la télévision
française des films faits avec plus de temps et de
moyens. Mais chez nous à Belgrade, ce sont de petits
reportages sans véritable conception. C'est pourquoi
j'ai arrêté d'en faire. Mais j'aimerais bien
en faire un de temps en temps...
Objectif Cinéma :
Vous vivez en France maintenant...
Goran Paskaljevic :
Je vis un peu entre Belgrade et Paris, mais c'est pour des
raisons très privées (ma femme est française).
Je ne sais pas
Objectif Cinéma :
Je disais ça parce que cela
vous permettrait peut-être de monter des projets ici...
Goran Paskaljevic : Je
ne sais pas, je n'ai jamais essayé... Il y a des
scénarios de longs métrages qui m'intéressent
en ce moment. Il faut dire aussi que je me suis assez éloigné
du documentaire... Mais si je trouve demain un sujet qui
m'intéresse et un producteur, je ne dis pas non.
Objectif Cinéma :
En même temps, on retrouve
dans vos films de fiction une veine néoréaliste
qui vous rapproche finalement du documentaire...
Goran Paskaljevic : Quand
j'étais jeune, j'ai découvert de nombreux
films à la cinémathèque, c'était
naturel à mon époque de tomber sur des films
néoréalistes. Le néoréalisme,
c'est quelque chose de vivant, une histoire simple, une
caméra et un mélange d'acteurs professionnels
ou non. Quand il est pratiqué par de grands auteurs
comme Rossellini ou de Sica, cela devient totalement fascinant.
Miracle à Milan de Sica dépassera même
le néoréalisme et ouvrira la porte à
des auteurs comme Fellini. J'étais moi-même
bien sûr influencé par ce cinéma, sa
simplicité, par les premiers Fellini, par Los
Olvidados de Bunuel, puis par le réalisme poétique
français des années 40, La Grande illusion
de Renoir... Quand j'ai commencé après à
faire mes propres films à la Famu à Prague,
il y a eu aussi l'influence de l'atmosphère tchèque,
des films de Forman et Menzel, dont la simplicité
devait certainement beaucoup aussi du néoréalisme,
mais avec l'humour tchèque en plus, qui est très
spécifique. Tout cela ma influencé. Et j'apporte
quand même quelque chose de moi dans tout cela ! (rires).
Mais chaque cinéaste se forme aussi en observant
les films des maîtres...