Objectif Cinéma :
Il y a en même temps dans
beaucoup de vos films, des petites touches d'onirisme, comme
dans la scène finale du Chien qui aimait les trains,
quand le chien apparaît à la jeune fille après
la disparition du jeune homme..
Goran Paskaljevic : Elle
reste toute seule et elle comprend à ce moment là
qu'il est mort et quelle a perdu la chose qui était
peut-être pour elle la plus importante. Ce n'était
pas de la folie de chercher un chien, de chercher l'amour...
et le chien, il est là... C'est un peu onirique,
mais la vie est très souvent onirique, parce qu'il
y a des moments dans notre vie où les rêves
sont plus forts que la réalité. C'est là
où je joue un peu avec l'onirisme, comme dans Ange-gardien.
Mais je ne ferai jamais un film complètement onirique
: je l'utilise là où je le sens.
Objectif Cinéma :
Et dans L'Amérique des
autres, par exemple, est-ce que les scènes de
lévitation sont un clin d'il ou une réponse,
à Kusturica ?
Goran Paskaljevic : Vous
pensez que c'est Kusturica qui a inventé les gens
qui volent ?
Objectif Cinéma :
Pas du tout, mais on peut avoir
l'impression que votre film est une réponse à
Arizona Dream de Kusturica, qui proposait "
sa " vision des USA..
Goran Paskaljevic : Mais
vous pensez que je peux faire un film comme une réponse
à un autre film ?
Objectif Cinéma :
Non, mais inconsciemment peut-être...
Goran Paskaljevic : Kusturica
n'est pas un auteur qui ma beaucoup marqué. Je lai
peut-être par contre influencé. Je suis plus
âgé, il a fait son film sur les tsiganes deux
ans après le mien, en prenant d'ailleurs le même
thème, mais comme en France il est connu, on dit
alors que je suis son disciple ! Ce qui est complètement
crétin ! C'est comme si vous dîtes que Melville
est le disciple de Kassovitz parce que Kassovitz est plus
connu !
Je n'ai rien contre Kusturica, mais la
fin de L'Amérique des autres est avant tout
un hommage à la fin de Miracle à Milan
de De Sica. Mais il y a aussi des lévitations dans
Le Miroir de Tarkovski... Très souvent des
critiques de cinéma ou des historiens me disent que
mes films leur font penser à tel ou tel film de lhistoire
du cinéma, que je n'ai jamais vu la plupart du temps
! C'est ce qui s'était passé pour La Ballade
de Narayama qui ressemblait à mon court métrage,
fait il y a huit ans. Après tout, on vit sur le même
monde, il est normal que de mêmes histoires se retrouvent,
quelque soit le pays. Ce que je n'aime pas, ce sont les
copies : par exemple, les imitations de Tarantino que l'on
trouve depuis des années, et même à
Belgrade ! Je déteste les films qui constituent des
répétitions, des déclinaisons d'un
même style, et qui sont réalisés uniquement
pour être à la mode... Après Easy
Rider, il y a eu des quantités de road-movies,
mais avant il y avait quand même eu La Strada dans
la catégorie road-movie !
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Il y a quand même eu Paris Texas
qui avait des choses à dire.. Je n'aime pas quand
on suit les modes, mais quand les choses se répètent
dans un film ou dans un autre, ce n'est alors finalement
que le reflet de la vie... Il ne faut pas faire non plus
des films à tout prix différents et originaux.
Il faut dire simplement ce que vous avez sur le cur,
ce qui vous intéresse vraiment, ce qui vous inspire.
Si après les gens aiment, c'est génial ! Je
suis très flatté, ici, à la Rochelle,
parce que je vois que les gens qui sortent des projections
de mes vieux films, se sont bien amusés. Ce n'est
pas seulement voir un ancien film qu'il faut respecter.
Peut-être que j'ai eu raison de faire des films simples
avec une forte émotion parce que ce sont peut-être
ces films-là qui restent. Quand j'étais jeune,
les films de Godard, c'était la Révolution
! Il a libéré la forme, fait avancer les choses,
mais je trouve qu'aujourd'hui certains films de Godard ne
restent qua niveau formel, sont parfois dépassés
et ne représentent pas beaucoup d'intérêt
pour les spectateurs d'aujourd'hui. Les carabiniers nous
bouleversent encore aujourd'hui parce qu'il a une forme
simple et qu'il touche au cur.