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Marie-Christine Questerbert (c) D.R. M.- C. QUESTERBERT
ET CAROLINE DUCEY

Aliénor, la femme aux mille visages
Entretien réalisé à Paris
les 1 er et 9 novembre 2000
Par Nadia MEFLAH et Bernard PAYEN

Photos de Stéphane LEGRAND
Vidéo de Julien CHASTANG



Marie-Christine Questerbert, après avoir étudié la philosophie et les arts plastiques, a suivis des cours de réalisation avec Jean Rouch et Kostas Fotinos et réalisé des courts métrages dont Les Filles héréditaires et Cremonini. La Chambre obscure est son premier long métrage. Caroline Ducey, actrice principale du film, y joue le rôle d'Aliénor.


  Chambre oscure (c) D.R.
Objectif Cinéma : Comment est né le projet de La Chambre obscure ?

Marie-Christine Questerbert : Je suis partie en Italie, il y a quelques années pour approfondir l'écriture de scénario, et je me suis rendue compte, en cherchant bien, que le cinéma italien avait une sorte de "matrice" : l'écrivain Boccace. Il a rassemblé des récits qu'on entendait dans tous les pays de la Méditerranée, a mélangé différents courants, pour ensuite écrire Le Décaméron. Tous les petits modèles dramatiques utilisés dans le cinéma italien sont présents, en germe, dans cette oeuvre. Un jour, je suis arrivée par hasard dans le village natal de Boccace. Et là, mécaniquement et presque magiquement aussi, je me suis aperçue que sa maison existait toujours. J'ai frappé à la porte et une vieille dame, fardée, simplette, m'a ouvert et m'a dit qu'il y existait maintenant un petit musée. Je suis entrée, j'ai visité l'étage et en ouvrant Le Décaméron au hasard, je suis tombé sur ce petit conte Le Mari retrouvé. J'ai été frappée par l'anachronisme et la modernité du personnage féminin. J'ai eu alors envie de transposer cette nouvelle au cinéma, tout en craignant un peu le travail de l'adaptation : c'est toujours plus difficile de développer trois pages que de résumer 300 pages ! Il y avait en outre une multitude de thèmes à traiter qui n'étaient pas sans difficultés. A partir de là, je me suis demandée vers quelles inspirations j'allais me tourner En regardant vers Florence, je me tournais vers Giotto, cela voulait dire aussi qu'il fallait se définir par rapport au Décaméron de Pasolini. Et si je regardais vers Sienne, ça risquait de devenir plus contemporain. A Sienne, c'est une peinture plus gothique. Giotto amenait le volume, cherchait déjà une profondeur alors que les Siennois étaient toujours influencés par la miniature française et ressentaient encore l'influence byzantine. J'ai finalement choisi la peinture siennoise, plus graphique, plus proche de nous.


Objectif Cinéma : Vous avez travaillé sur les aplats ?

Marie-Christine Questerbert : Je me suis demandée comment créer une profondeur avec des à-plats. Et surtout comment faire du cinéma avec ça. Comment se repositionner dans un espace-temps similaire. L'histoire de ce film, c'est un peu l'histoire d'un regard dans le rétroviseur, mais un regard à partir d'aujourd'hui. Il a fallu apprendre à regarder comment les gens se voyaient à cette période, quel était le regard qu'ils portaient sur le monde à ce moment-là, avant l'apparition de la peinture à l'huile.


Enluminure (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment avez-vous procédé ?

Marie-Christine Questerbert : Je ne cherchais pas au départ à accumuler des documents. J'ai été amenée progressivement à faire un feuilletage pour voir comment j'allais situer le film géographiquement, je me suis intéressée plus précisément à l'histoire de l'art, et j'ai dû prendre ensuite des décisions. Au départ, j'avais vu cette peinture siennoise, cette fresque, une approche différente de l'icône. Après il fallait savoir jusqu'où je pouvais aller. Il fallait faire des incursions dans l'époque, savoir quel était le cheminement de ces images, d'où venaient-elles... Il a fallu se créer des limites.