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La Chambre obscure (c) D.R.
Objectif Cinéma : Est-ce que le film a été modifié entre sa projection cannoise et sa sortie actuelle ?

Marie-Christine Questerbert : La première fois qu'il a été projeté, le début n'était pas terminé, en raison d'un effet spécial. Je suis partie d'une miniature de la Bibliothèque Nationale. Caroline devait parler dans l'arbre, il y avait un travelling avant vers elle dans le studio où elle était, avec un fond bleu sur lequel a été ensuite ajusté l'arbre. L'étalonnage de la copie n'était alors pas définitif.


Objectif Cinéma : Je voudrais revenir à l'adaptation de la nouvelle. Quels ont été vos choix de développement ?

Marie-Christine Questerbert : Dans la nouvelle, Aliénor n'est pas confrontée à des théologiens. Je me suis demandée quels sortes d'obstacles pouvait-elle rencontrer dans cette période. J'ai découvert qu'une femme a écrit un livre Toutes les femmes sont un peu Jeanne d'Arc .

Je ressens la même chose, il y a toujours un moment où l'héroïne épique est dans la position de Jeanne d'Arc, c'est assez curieux. Ce développement était donc volontaire. Autre modification, dans la nouvelle, Bertrand s'enfuyait avant d'arriver au château mais quand elle envoyait des émissaires il posait ces conditions impossibles (la bague et les enfants). Dans la deuxième partie, Aliénor s'efforce de les remplir. On a eu l'idée avec Danielle Dubroux qu'elle lui fournisse en fait ces conditions impossibles plutôt qu'elle ne les demande. On a poussé les dés plus loin en disant Aliénor allait arriver avec la bague et deux enfants au lieu d'un, cela renforçait l'aspect fantastique et humoristique...

  Marie-Christine Questerbert (c) D.R.

Objectif Cinéma : Il y a aussi l'épisode du portrait demandé par Bertrand et la confusion des deux femmes

Marie-Christine Questerbert : C'est vrai que ça peut faire penser à Vertigo d'une manière première, ça accentue aussi le caractère fantastique, Bertrand est effrayé. J'ai essayé de travailler d'une manière un peu ironique, les deux aspects d'Aliénor. C'est notable aussi dans le jeu de Caroline : il y a des moments où elle ressemble à une vierge en dévotion tout en apparaissant aussi paradoxalement comme une sorcière.

Objectif Cinéma : Elle a aussi côté metteur en scène.

Marie-Christine Questerbert : Oui, c'est ça : elle doit toujours prévoir ce qui peut se passer après.


Enluminure (c) D.R.

Objectif Cinéma : Tout cela se rejoint aussi dans l'enfance, l'enfant et le metteur en scène sont un peu jumeaux. Il y a au départ la décision arbitraire d'Aliénor (comme pourrait le faire un enfant) : elle veut guérir le roi, elle s'entête à choisir Bertrand comme amoureux, il y a ensuite son côté volontaire, son côté metteur en scène... ces deux aspects se rejoignent et caractérisent le personnage.

Marie-Christine Questerbert : Tout à fait, je pensais que faire partir l'histoire de l'enfance, ce n'était pas par nostalgie mais pour le côté arbitraire et un peu enfantin. Le côté metteur en scène était déjà présent dans la nouvelle, mais il a été renforcé. C'est l'aspect "Renaissance" de la nouvelle, l'idée aussi que par la volonté on pouvait transformer le monde et les gens. C'était encore un moment où on pouvait le croire. Aliénor est un personnage moderne mais aussi un personnage représentatif de cette période. Elle essaye de fournir de manière poussée à Bertrand les conditions de la séduction. Dans la dernière scène, les deux se reconnaissent mais décident de faire comme si. Ils ont appris des choses l'un sur l'autre mais continuent à jouer, ils acceptent de ne pas tout connaître l'un de l'autre. Ce faire semblant nous ramène aux séquences du début lorsqu'ils sont enfants, avec le jeu cruel dans la garde-robe, déjà dans l'obscurité et autour du mort. Le film est toujours temporellement sur le fil du rasoir, entre le XIVème siècle et le XXIème.