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La Chambre obscure (c) D.R.
Objectif Cinéma : Je souhaite vous entendre parler d'une séquence, dans laquelle Aliénor vient avec ses enfants devant Bertrand et lui prouve qu'elle était à la place de Lisotta.

Marie-Christine Questerbert : Oui, elle vient ré-assumer tous les gestes, tous les coups de force qu'elle a fait. C'est là que commence l'érotisme entre eux. C'était important d'aller dans le décor naturel à ce moment-là. On a travaillé dans ce château comme en studio, on ne pouvait pas s'approcher des fenêtres, on a construit une paroi en bois pour les chambres, il a fallu bâtir une colonne en polystyrène, l'escalier était fait aussi dans cette matière. Il y avait ce mélange de faux et de vrai extrêmement passionnant à faire du début à la fin.


Objectif Cinéma : Et la colonne enveloppée de bleu dans le palais royal ?

Marie-Christine Questerbert : Là, c'était dans une abbaye. Pour les décors naturels, il a fallu faire un choix. J'avais choisi les abbayes sisterciennes parce qu'elles offrent le minimum d'ornement, ce n'est pas trop surchargé. Je voulais éviter les colonnes trop luxuriantes. Je suis allée vers le sistercien, un peu plus abstrait. On a tourné dans le chapitre de l'abbaye du Thoronet, qui présentait l'avantage de garder certains rochers, cela nous permettait d'avoir un mélange de nature et d'abstraction. Mais même là, pour ne pas tomber dans le naturalisme, j'ai demandé à ce qu'on entoure la colonne de bleu.

Mon souci était curieusement tout le temps de savoir comment serait le film en vidéo. J'aimerais beaucoup faire un film médiéval en vidéo : cela signifierait un tournage long et des effets extrêmement compliqués mais cela donnerait un film extraordinaire. Mais le moment n'était pas venu, surtout pour un premier film ! Tout en tournant sur pellicule chimique, j'ai constamment pensé à la vidéo. Emmanuel Machuel a compris ce que je voulais faire. Il a utilisé de la pellicule Fuji, on a passé énormément de temps mais 7 semaines de tournage, c'était peu pour tout le travail d'éclairage qu'il y avait à faire.

Il avait la lourde tâche de mettre en image et de rendre crédible le mystère de La chambre obscure. On a travaillé en fait les chambres obscures en plein éclairage. On ne peut pas travailler l'obscurité dans l'obscurité. Pour les passages ombre-lumière, on a réalisé ce que Dreyer aurait rêvé de faire et qu'il aurait pu matérialiser aujourd'hui avec des pellicules plus sensibles. L'idée était d'aller un peu plus loin, et de ne pas se contenter des acquis.


  Enluminure (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous voulez dire qu'on a les moyens de faire et que ça ne se fait pas ? Vous semblez exprimer un regret...

Marie-Christine Questerbert : Oui, car je pense que l'on pourrait être beaucoup plus audacieux. Les temps de préparation sont de plus en plus restreints, cela coûte cher. J'avais heureusement travaillé seule en amont pour préparer ce film, sinon nous aurions peut-être couru à la catastrophe.


Objectif Cinéma : Parlez-nous de votre travail important sur la bande sonore...

Marie-Christine Questerbert : La bande-son brut de Philippe Morel était superbe, le son était très beau à la perche mais en raison de la présence de bruits anachroniques (tracteur, motocyclette, avion), on a du malheureusement prendre au mixage le son du micro-cravate. J'en étais malade parce qu'avec le micro cravate, on entend tous les bruits de gorge, on entend si l'actrice a un petit rhume, etc.
J'ai essayé de faire en sorte que la musique soit élémentaire. J'aime beaucoup ce que fait Jordi Savall or je ne voulais pas aller dans cette direction J'ai voulu prendre des instruments comme la trompette marine, des serpents, des conques, des instruments premiers. Par contre, j'ai choisi volontairement des instrumentistes qui travaillent la musique contemporaine et la musique médiévale. J'ai pris des pièces de Guillaume de Machault pour le travail raffiné et moderne qu'il fait. La musique intervient plutôt qu'elle n'illustre, elle agit et fait basculer parfois le film dans la comédie musicale, (la scène où Caroline Ducey / Aliénor entre dans la chambre, elle va vers la garde-robe et vers la fenêtre, entend un oiseau, qui n'est autre qu'une flûte).