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  Laissons Lucie faire ! (c) D.R.

Objectif Cinéma : En tant que fémiste, est-ce que vous êtes plus en sécurité dans le financement de vos projets ?

Emmanuel Mouret : Pas tellement. Ce qui a enclenché des propositions, ce n'est pas l'école, mais mon film de fin d'études [Promène-toi donc tout nu, NDLR], qui a eu un honnête succès d'estime. Si on passe au long, c'est par les courts. Les producteurs ont des yeux, des antennes braquées sur les jeunes talents. Ils sont à la recherche de projets. Le métier de producteur, en France est rarement un métier à risques. Ils ne financent pas franchement le film, mais monte le budget. Ils cherchent au CNC, aux télés, et quelques SOFICAS. Il a six ou sept chaînes, l'état, plus des investisseurs extérieurs. Ils gagnent leur vie sur les frais généraux et sur leurs propres salaires. Si les films se plantent, leurs boîtes tournent quand même. Quels que soient les projets, c'est pour eux un bien précieux. Ils apportent, c'est vrai, leurs relations pour trouver le financement, mais ils sont aussi dépendants de vous que vous d'eux. Ceux qui ont le plus de pouvoir aujourd'hui, ce sont les responsables des chaînes, parce que sans eux, aujourd'hui, on ne fait pas le film. Pour Laissons Lucie faire, France 3 a signé parce que Marie Gillain était dans le film, et Canal + est aussitôt venu se greffer, par devoir. Le CNC n'a pas voulu de mon projet.


Objectif Cinéma : Est-ce qu'on va vous voir uniquement derrière ou uniquement devant la caméra ?

Emmanuel Mouret : Faire l'acteur, ça me ferait vraiment plaisir. Je suis assez cabot et ça fait partie de ma formation. Mais mes films connaissent des sorties si intimes que je n'ai pas beaucoup de chances de recevoir des propositions. J'ai, d'un autre côté, deux projets où je suis uniquement derrière la caméra.

Laissons Lucie faire !  (c) D.R.

Objectif Cinéma : Quel a été l'accueil critique de Laissons Lucie Faire?

Emmanuel Mouret : Globalement bon. La critique de Première m'a en revanche assassiné, avec une outrageante vulgarité. Pour avoir moins mal, il faut rendre les coups, dit-on. Répondre par une lettre d'insultes aurait été aussi bas que le texte de Virginie Apiou. Donc j'ai écrit quelque chose de plus cynique, ironique, en disant que chacun avait sa liberté d'opinion. Puis j'ai ajouté que sa critique m'avait ouvert les yeux : pourquoi aurait-elle tort et moi raison, vu le nombre de films qu'elle voit, son style et sa réflexion riches ? Peut-être était-ce moi qui était un incapable, et la force de son article était de me confronter à mon ego surdimensionné... Je concluais en la remerciant de cette prise de conscience. Très touchée, elle a contacté l'attachée de presse qui m'a ensuite prévenu. Je lui ai dit de m'envoyer un courrier électronique. Ce dernier m'a estomaqué : elle ne s'en est pas pris à la personne mais au réalisateur, elle est désolée de m'avoir touché à ce point. Simplement, selon elle, mon film pèche parce qu'on ne comprend pas bien les motivations de mes personnages, je ne sais pas encore très bien me servir de ma caméra ni faire le cadre. Et elle termine en me laissant son numéro de téléphone personnel au cas où je souhaiterais avoir des conseils. Les bras m'en sont tombés. Depuis, il y a eu pas mal d'avis plutôt positifs qui atténuent la rancœur de l'anecdote [Les Cahiers du cinéma, Télérama, Positif, Objectif-Cinéma..., NDLR]. En même temps, le milieu du cinéma est un repaire d'amnésiques, où un succès soudain peut faire dire qu'on est passé à côté des débuts d'une filmographie. Et vice versa, un bide fait reconsidérer des films qui avaient eu bonne presse. C'est là qu'il faut une belle force psychologique pour le supporter.


Objectif Cinéma : C'est une vitrine de la vie actuelle...

Emmanuel Mouret : De la vie occidentale actuelle, mais pas du monde entier. La psychologie, symptôme de mal-être, n'est pas présente dans toutes les cultures. Je suis récemment allé en Afrique du Nord et j'ai discuté de ça. Les gens ne sont pas mieux dans leur qualité de vie, loin de là, mais ils sont mieux par rapport à leurs repères. La tradition étant établie, il n'y a pas de psychiatres débordés, de remise en question du monde. Dans la vie occidentale, l'absence de repères vient d'une tradition critique. La force psychologique se tire d'un chemin de croix, d'un récit initiatique nécessaire mais dur. Ca me fait penser à Chabrol qui dans les années 80, au creux de sa vague personnelle, regrettait qu'on dise de lui qu'il était mauvais alors que dix ans plus tôt, on le comparait à Orson Welles et qu'on l'instituait au panthéon des cinéastes mondiaux. Si seulement je pouvais connaître ce style de creux de la vague !



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1999
Laissons Lucie faire
1999 Promène-toi donc tout nu ! (CM)
1997 Il n'y a pas de mal (CM)
1998 Caresse (CM)