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Objectif Cinéma :
Vous n'allez donc pas dans le sens du Dogma initié
par Lars Von Trier...
Emmanuel Mouret :
Non. Bien que j'ai beaucoup aimé
le Festen de Vinterberg, j'ai détesté
Les Idiots. La faille de ces petites caméras
ne réside pas dans la technique, mais dans la pensée
qui suit cette technique. L'image qui fait dogme, qui fait
foi, c'est aujourd'hui cette image de reportage. En vidéo,
elle est sensée être vraie. C'est cet aspect
fallacieux de vérité dans la fiction qui m'irrite
au plus haut point. Même dans le documentaire, il
y a une mise en scène qui sous-tend l'image. Strip-Tease
[émission de France 3 où la caméra
filme brut et sans commentaire, NDLR] possède le
principe documentaire le plus épuré qui soit,
mais développe, rien que par cette posture immobile,
un parti-pris extrêmement fort et vicieux. Le silence
veut dire généralement : " regardez comme
ces gens sont ridicules ". C'est du sensationnel intelligent,
du réalisme dogmatique d'aujourd'hui, fallacieux
parce qu'il trompe le plus grand monde possible. Lacan disait
" Le réel, c'est l'impossible ".
Actuellement, on regarde le Moyen-âge avec dédain,
scrutant ironiquement son exquise naïveté religieuse.
C'est la bêtise propre à chaque époque
de se croire dans le réel et de croire que les autres
n'y sont pas. Dans mes parti-pris cinématographiques,
je vais délibérément contre.
Objectif Cinéma :
Le générique animé
de Laissons Lucie faire renvoie à l'univers
de la Bande dessinée...
Emmanuel Mouret : Ce
n'est pas tout à fait ça, parce que je la
connais très mal. En fait, je pensais plus au générique
de Ma Sorcière bien-aimée. C'est vrai
que mon personnage est un peu un Gaston Lagaf, mais là
encore, je pensais plutôt au Monsieur Hulot de Jacques
Tati : j'ai toujours été fasciné par
les grands maladroits. Ce manque d'adresse renvoie les gens
dans leur part infantile Le pont se situe tout de même
dans cette volonté de recréer un monde fantaisiste
sinon fantastique.
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Objectif Cinéma :
Quels sont vos projets? Allez-vous
enrichir votre univers en abordant des genres différents
?
Emmanuel Mouret :
Je suis actuellement en écriture,
sur plusieurs projets, mais je ne sais pas quel sera le
prochain. Il y a un conte romantique qui se passerait à
Marseille, un thriller sentimental dans le midi, un mélodrame,
et un film plus lointain, sorte d'aventure à la Edward
aux mains d'argent [film de Tim Burton, avec Johnny
Depp, NDLR]. L'ambition de mes projets est ceinturée
par le manque de moyens. Je suis dans l'incertitude complète
quant à mon avenir financier et celui de mes films.
Si j'ai l'occasion de faire des films plus riches, je travaillerais
beaucoup sur les décors: cadre, lumière, ambiance...
C'est presque le plus important pour moi au cinéma
: c'est la chair de l'image, au même titre que les
comédiens. Le scénario, c'est seulement la
circulation des uns dans l'autre. La magie du cinéma
est intimement lié à ces trois éléments,
mais le décor est un simulacre physique primordial
dans l'optique de " refaire le monde ".
Objectif Cinéma :
Qui avez-vous côtoyé dans votre promotion de
la FEMIS ?
Emmanuel Mouret :
J'étais avec Emmanuelle Bercot
[La Puce, court-métrage avec Isild Le Besco,
NDLR]. Il y avait nettement deux clans, même si c'était
très sain, parce que nos cinémas sont aux
antipodes. Je reconnais beaucoup de talent à Emmanuelle,
mais nous avons nos deux univers et nous ne sommes pas en
concurrence. Elle a fait deux téléfilms et
une " petite caméra " d'Arte qui pourrait
sortir en salles. Un autre s'est fait renvoyer de l'école,
ce qui relève d'un titre de noblesse. Quant aux autres,
je ne sais pas où ils en sont, mais c'est probablement
mauvais signe.