Objectif Cinéma : Pouvez-vous
brosser sommairement vos origines métissées..
Richard Copans : Mon
arrière-grand-père et mon grand-père
sont partis de Lituanie pour faire fortune en Amérique,
puis mon père est venu en France avant-guerre pour
épouser ma mère. Ils sont repartis à
New York pour finalement revenir ici.. Je suis né
à Paris en 1947 à l'hôpital américain
et mon frère est né à New York à
l'hôpital français. Nous avions tous les deux
la double-nationalité. J'ai laissé tomber
mon passeport américain au moment de la guerre du
Viêt-nam: cela n'avait pas beaucoup de sens pour moi
alors, ayant toujours vécu à Paris... Je me
serais automatiquement porté déserteur.
Objectif Cinéma :
Ce que vous dites se retrouve dans
le cinéma de Robert Kramer, dans ses prises de position...
Richard Copans : On
avait une différence d'âge. Mais c'est vrai
que quand il est arrivé en France en 1979, nos chemins
se sont croisés. Il était américain
et militant, tout comme moi. On est devenus très
amis et on a travaillé ensemble pendant 20 ans. J'ai
d'abord été son opérateur sur ses premiers
films en France [Guns, La Naissance, A toute allure,
La Peur..., NDLR). A partir de Route One-USA
(1989), je suis devenu aussi son producteur; Je suis resté
son opérateur, mais surtout, j'étais son ami.
Objectif Cinéma :
Vous avez entretenu une relation
assez profonde avec Robert Kramer. Est-ce que vous interveniez
dans la création ?
Richard Copans : Je ne
crois pas qu'il y ait la vie ET la création. Quand
Robert travaillait avec quelqu'un, ami ou pas, il en attendait
autre chose que son strict rôle professionnel. Il
attendait un apport personnel qui pouvait très bien
changer le film. Ce n'est pas pour autant qu'il était
influençable. Il n'y avait aucun doute sur le fait
qu'on faisait le film de Robert Kramer, mais il demandait
à chacun d'être entier. La vie était
toujours intéressante et nourrissait son cinéma
: rencontrer des gens, découvrir de nouveaux territoires,
vivre des expériences nouvelles... La mise en cinéma
de tout ça est un processus qui n'appartenait qu'à
lui. Il ne pouvait être que cinéaste, et simultanément
s'interrogeait sur la valeur de son art: n'est-ce pas un
peu dérisoire, d'être le militant résistant
obstinément à la mondialisation, écrasé
par les autres et entendu par très peu ? Robert ne
jouait pas à l'artiste, mais il doutait de sa réception,
tout simplement...