Objectif Cinéma : Je
suis étonné par son aboutissement, sa qualité
esthétique pour un film de fin d'études. Vous
faîtes preuve d'une grande sensibilité. J'aimerais
que vous me racontiez succinctement l'histoire de ce projet.
Qu'est-ce qui vous a amenée à aller filmer à
Odessa ?
Michale Boganim : Je
connaissais surtout Odessa par la littérature et
par Isaac Babel, plus précisément, qui décrit
dans Les Contes d'Odessa la communauté juive
autour des années trente. Ce sont des histoires tout
à fait fascinantes sur le quotidien des " petites
gens " qui m'ont énormément touché.
Ensuite ce fut un peu un hasard : quand j'étais à
Londres, j'ai rencontré des gens qui s'intéressaient
à la culture yiddish et notamment quelqu'un qui revenait
d'Odessa, ça m'a tout de suite interpellée
: je lui ai demandé le genre de personnes qu'il avait
rencontrées et à partir de là je suis
parti, j'ai fait un travail de recherche là-bas,
je suis allé voir ce qui restait d'un des fleurons
de la culture yiddish à l'époque.
Objectif Cinéma : Il
y a une chose qui est marquante dans votre film et qui se
démarque de la production moyenne qu'on peut voir à
Cinéma du réel : il y a une réelle recherche
sur le plan de la lumière, de l'espace, du traitement
du temps filmique aussi. D'ailleurs, je me suis laissé
penser qu'il y avait l'influence de Tarkovski là-dessous
Michale Boganim : C'est
très juste. Tarkovski est quelqu'un qui m'a beaucoup
influencée, qui m'influence toujours dans sa démarche
esthétique, visuelle et aussi dans son approche métaphysique.
Son approche est comme un acte de foi, cest ce qu'il dit
un peu dans ses écrits. C'est vrai qu'il ma influencée
surtout au niveau du temps. Chez Tarkovski, on ne sait jamais
vraiment où se situe le présent et le passé.
Dans Le Miroir, et Stalker, il y a comme une
suspension du temps. C'est ce que j'ai voulu exprimer dans
mon film, j'espère qu'on le retrouve en tout cas
Objectif Cinéma :
On est plongé dans un univers
tout à fait singulier quand on voit votre film, vous
créez un espace-temps qui lui est propre, un espace
cinémato-graphique cohérent. Et pour moi,
c'est réussi !
Michale Boganim : Dans
le film, il y a un style formel assez radical, la caméra
est constamment en mouvement très lent, à aucun
moment elle ne s'arrête. En fait, c'est pour inscrire
ce mouvement dans le temps, un balancement, comme un balancier
de pendule; en même temps j'ai voulu exprimer l'immobilité
du temps. Il y a aussi des gens qui disparaissent du cadre,
c'est la représentation d'un temps qui passe, d'une
disparition.